Les panzers de la mort
les auras, dit Petit-Frère qui loucha vers les hommes de la section, attablés à jouer aux cartes : – je vous préviens, tas de merdeux, que vous serez mis à contribution ! Comptez dessus !
La brusque irruption du S. S., et de Krosnika haletants, interrompit la confession.
– Il n’y a plus personne chez Ivan ! On a entendu sur la route le grincement des T 34. Ça y est, nous sommes coupés !
Alte les regarda tranquillement : – Tu attendais peut-être qu’ils te demandent la permission ?
– Je ne suis pas un imbécile, siffla le S. S., mais à présent Il faut filer en vitesse, sans ça nous sommes pris au piège.
– C’est la seconde fois que tu parles de filer, dit Alte avec mépris. Vous autres, vous êtes des héros pour crier heil Hitler mais moi qui commande ici, je suis les ordres de ton idiot de patron, lesquels sont justement de combattre.
– Je prends note que tu traites le Führer d’idiot, hurla le S. S.
– Oui ou non, dit Alte moqueur, avons-nous reçu l’ordre de combattre jusqu’à la dernière cartouche ? Ton silence est un aveu. Donc, avec Pluto, tu vas te charger du bazooka tandis que Krosnika et Heide prendront les munitions. Je vous donne l’ordre d’attaquer les T 34 et de démolir tout ce que vous pourrez avant d’être écrasés vous-mêmes.
– Mais c’est de la folie ! s’exclama le S. S.
– C’est un S. S. qui dit ça ? Tu es donc de notre avis alors, qu’Adolf est un fou de faire une guerre pareille ? Dans ce cas-là nous sommes d’accord pour sauver notre peau ? – Il se tourna vers Pluto et moi : – Allez avec Heide jusqu’au chemin et voyez si nous pouvons le passer. C’est notre seule chance de salut. – Il nous montra du doigt une grande tache verte sur la carte qui devait indiquer une étendue de bois et de marais.
Nous partîmes en jurant. Heide traînait le bazooka ; la pluie ruisselait sur nos casques et nous coulait dans le dos en torrent ; les cuirs grinçaient nous gelions dans nos uniformes transpercés, nos pieds s’enfonçaient dans la boue aspirante qui giclait à l’intérieur des bottes, faisant de chaque pas une torture.
– Tais-toi donc, dit Heide à Pluto qui rageait tout haut. Ivan va nous repérer 1
– La ferme, espèce de pourceau. N’oublie pas que nous avons un compte à régler et si Ivan vient, on lui racontera ce que tu as fait !
– Vous en faites des histoires pour une simple erreur !
– T’appelle ça une erreur ! hurla Pluto dans le bois. Ivan ! Ivan ! viens chercher un cochon, le sous-officier Heide !
Heide jeta le bazooka et détala à toutes jambes sous les quolibets de Pluto. Je ramassai le tuyau de poêle et nous continuâmes silencieux. Les branches ruisselantes nous fouettaient le visage.
Soudain, la route surgit devant nous dans un éclat de tonnerre.
Des colonnes russes, en manteau de pluie, défilaient en ordre serré ; l’artillerie et les camions grondaient en clapotant dans la boue. Par-là, par-là, la lueur vive d’une torche trouait la nuit.
– Nous ne passerons jamais chuchota Pluto, filons en vitesse avant d’être repérés.
La déception des nôtres fut immense. Heide essayait de se camoufler, mais Pluto l’envoya rouler d’un coup de pied.
– On te croyait sur le chemin de Berlin, grinça-t-il Cette petite lâcheté, dans le code pénal, s’appelle désertion devant l’ennemi. Je te préviens.
Blanc comme un linge, Heide se recroquevillait encore davantage.
– Toi, on s’occupera de toi plus tard, dit Alte. On part. Il s’agit de passer cette route avant le jour.
Nous repartîmes en colonne par un. Les épines nous agrippaient au passage et la pluie redoublait. Alte et Stege s’avancèrent sur le bord de la route, tandis que nous restions planqués dans les fourrés. Stege revint à nous sans bruit.
– Voila les galonnés dans leurs voitures. Prêts les gars ? On va leur emboîter le pas pour se glisser de l’autre côté. Espérons qu’ils ne découvriront pas le genre de patriotes que nous sommes.
– Ça marchera pas, dit Bauer.
Alte nous fit un signe rassurant et le gravier craqua sous nos bottes au moment où nous prîmes la route. A un mètre de nous trottait une compagnie russe qui nous dépassa* Nous n’osions pas lever les yeux, de Crainte qu’on ne lise la vérité sur nos visages blêmes de peur. Effrontément, Porta se mit à siffler une chanson de marche russe que des ombres invisibles reprirent en chœur
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