Les pièges du désir
tout un bloc de son profil, de ses yeux, de son sourire. Puis, quand la lumière lui avait fait défaut, il avait lu Antoine et Cléopâtre à la lueur de la lampe.
Elle frappa à la porte à 14 heures précises. Jack se leva de sa table à dessin et empila hâtivement les esquisses avant d’ouvrir la porte. Sa visiteuse avait les joues toutes rosies par l’air froid du dehors.
– Bonjour, monsieur Vernon.
Elle lui sourit, le regard brillant de plaisir.
– J’espère que vous allez bien, miss Blane ? s’enquit-il en détournant les yeux.
– Oh, je vais toujours bien, fit-elle avec enjouement.
Il eut la présence d’esprit de l’aider à ôter son manteau. La courbure élégante de son cou et les frisons auburn qui bouclaient sur sa nuque le fascinèrent.
– Avez-vous pu lire la pièce ? demanda-t–elle en dénouant les rubans de sa capote.
Il suspendit son manteau à une patère.
– Oui. Je l’ai terminée hier soir.
Elle posa ses gants et son chapeau sur la table et le regarda, encore souriante et manifestement impatiente de passer à la suite.
Il ne lui avait pas rendu justice dans ses croquis, songea-t–il. Cette énergie pétillante, cette vivacité qui n’étaient qu’à elle, il n’avait pas su les saisir. Les doigts le démangeaient d’essayer de nouveau.
Mais il devait d’abord sacrifier aux civilités d’usage.
– Je vais nous faire du thé.
Il fit un pas vers la cuisine, mais elle le devança.
– Je m’en charge !
Elle écarta le rideau et regarda autour d’elle.
– Mais vous avez tout préparé ! Je n’ai presque plus rien à faire.
La bouilloire était sur le feu et le thé déjà dans le pot. Elle n’eut plus qu’à verser dessus l’eau bouillante.
– Laissez-moi porter le plateau.
Elle leva les yeux vers lui avec un sourire mutin.
– Vous croyez ?
Il pénétra dans la minuscule cuisine.
– J’insiste.
L’espace était trop exigu pour eux deux, mais il s’en rendit compte trop tard. Leurs bras se frôlèrent au moment où elle passa près de lui et ce simple contact suffit à lui enflammer les sens. Mais ce n’était pas seulement la beauté physique d’Ariana qui l’émouvait ainsi…
Elle se tourna vers lui, si près que leurs corps se touchaient presque.
– Vous avez une traînée noire là, murmura-t–elle en lui effleurant la joue.
Du fusain, sans doute.
Il prit un chiffon et frotta l’endroit où elle avait posé le doigt. Mais il ne put effacer la très forte impression sensuelle qu’elle avait éveillée en lui par son toucher. Il se détourna pour prendre le plateau et elle le suivit silencieusement dans la pièce où ils s’étaient déjà tenus la veille. Là, elle s’assit dans un fauteuil avec un parfait naturel, comme si cet instant de proximité n’avait jamais eu lieu.
– Qu’allons-nous discuter en premier ? Le costume et la pose de Cléopâtre ?
– Pourquoi pas ? On peut commencer par là.
Elle versa le thé et lui tendit une tasse.
– Que pensez-vous d’elle ?
– Cléopâtre ?
Il reposa sa tasse sur la table.
– J’ai été frappé par son ambition politique. Ce n’est pas ce souvenir-là que j’avais gardé de la pièce.
Elle sourit.
– Peut-être que vous étiez trop romantique à l’époque.
Il eut un rire bref.
– J’en doute. J’en sais seulement un peu plus sur la vie. Antoine était poussé par la passion, Cléopâtre par la soif du pouvoir.
Ariana hocha la tête.
– Je suis d’accord. Elle trahit Antoine à deux reprises. Et si elle se tue à la fin, je doute que ce soit par amour pour lui.
– Mais lui, c’est bien son amour pour elle qui l’a conduit à la mort.
– Et qui l’a acculée elle aussi au suicide, lui rappela-t–elle. C’était une femme seule qui tentait de faire son chemin dans le monde. Et la passion d’Antoine lui a été fatale.
Jack songea à sa mère.
– Le monde n’a pas vraiment changé depuis, murmura-t–il.
– Non, en effet.
Il l’observa à la dérobée. Le soleil qui pénétrait par la fenêtre accrochait des reflets ardents dans sa chevelure auburn. Elle lui retourna un regard complice, mais il baissa les yeux. Celui qui jouait le rôle d’Antoine dans la vie d’Ariana, c’était Tranville, pas lui.
– C’est une étrange pièce. Une tranche d’histoire bien plus qu’une romance.
Elle
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