Les pièges du désir
renoncer, lorsqu’il désire quelque chose.
Elle eut un nouveau haussement d’épaules.
– Bah, c’est un homme !
– Un homme sans pitié.
Elle le dévisagea, surprise.
– Comment savez-vous cela ? Avez-vous un lien particulier avec lui ?
Il ne répondit pas tout de suite.
– Tranville est une relation de ma famille, répondit-il enfin.
– Un ami de votre mère. C’est ce qu’il m’a dit.
– Un ami ? C’est le terme qu’il a employé ?
– Oui. Cela vous étonne ?
– « Ami » est une façon de dire les choses, observa-t–il sèchement. Disons que cela a été vrai à un moment. Vous comprenez à présent quel genre de relation je peux avoir avec lui.
Elle acquiesça. Visiblement, elle avait saisi la signification réelle de ces mots.
– Mais il y a autre chose. N’est-ce pas, Jack ?
Il se remit à dessiner et quelques instants s’écoulèrent avant qu’il ne reprenne la parole.
– En Espagne, il s’est montré impitoyable dans son ambition, et plus soucieux de ses intérêts personnels que de la sécurité de ses hommes.
Ariana parut surprise.
– Il a fait la guerre là-bas ?
– Il était général de brigade. C’était avant qu’il n’hérite de son titre.
– Général ?
Elle éclata de rire.
– Qu’est-ce qui vous amuse ainsi ?
Les yeux d’Ariana pétillèrent.
– Pardonnez-moi, mais cela semble si absurde qu’un militaire se fasse soudain l’ardent défenseur des arts ! Je crains qu’il ne soit plus intéressé par les actrices que par la préservation de notre culture théâtrale.
Jack ne put retenir un sourire. Dieu, qu’elle était jolie quand elle se moquait ainsi !
– Ah, c’est très bien ! commenta-t–elle en le regardant.
Il retrouva instantanément son sérieux.
– Qu’est-ce qui est bien ?
– Vous avez souri !
Il revint à son dessin, rehaussant au pastel la riche nuance de sa peau et l’or des bijoux. Ariana observait son visage. Il était aussi intensément concentré que la veille à Somerset House. Comme s’il s’était retiré dans cet endroit secret où elle ne pouvait pas l’atteindre – un endroit mystérieusement relié à Tranville. Cela la frustrait et la rendait triste à la fois.
La chose était indéniable à présent. Elle s’était bel et bien éprise de ce peintre lunatique, si discret sur ses sentiments et pourtant si expressif dans son art ! Elle aurait voulu pénétrer son mystère, devenir celle avec qui il partagerait ses secrets et aussi de petits plaisirs, comme leur expédition d’hier à Somerset House.
– Jack, nous devrions visiter l’Egyptian Hall à Piccadilly. Il a une façade de style égyptien.
Ce serait une telle joie d’explorer ce lieu avec lui ! Mais elle le vit hésiter.
– Je n’y suis jamais allé…
– Raison de plus ! Pour compléter nos recherches…
Il continua imperturbablement à dessiner, usant de son pouce pour ôter une tache du papier.
Elle fit une nouvelle tentative.
– Peut-être votre sœur et son Michael aimeraient-ils nous accompagner ?
Cette fois, il s’arrêta et parut réfléchir à sa requête.
– Il est vrai que ma sœur a peu d’occasions de sortir. Elle adorerait cela.
Ariana lui sourit, enjôleuse.
– Alors dites oui !
Il resta indécis un instant, puis leva enfin les yeux sur elle.
– D’accord.
Elle sentit son cœur battre d’allégresse.
– Magnifique ! Pouvez-vous organiser cela ? J’ai mes journées libres, et bientôt mes soirées, quand les représentations seront terminées.
– Quand s’achèvent-elles ?
Ils semblaient avoir retrouvé en partie leur complicité de la veille, et elle s’en réjouit.
– Il reste trois représentations. La dernière aura lieu samedi soir. Y assisterez-vous ? Vous serez mon invité.
Jack se rembrunit aussitôt.
– Non. Tranville y sera certainement.
Elle aurait dû se contenter de la visite à l’Egyptian Hall. C’était déjà si bien qu’il ait accepté !
– Alors mettez notre petite sortie sur pied. Personne ne viendra nous déranger, je vous le promets.
Elle était bien décidée à faire ce qu’il fallait pour que rien ne se mette à la traverse.
Jack reposa son bâton de pastel et se leva. Les poings sur les hanches, il examina tour à tour son dessin et Ariana.
– Venez voir, lui dit-il enfin.
Elle
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