Les Piliers de la Terre
persuader, répondit-il d’un
ton qui manquait d’assurance, et je pense qu’il acceptera.
— Ça
ne me suffit pas, affirma Dan.
— Ni
à moi, déclara Pierre.
— Pas
de garantie, pas de travail », conclut Dan.
Accablé,
Jack ressentit comme une défaite l’approbation générale.
S’il
continuait à leur faire front, il perdrait le peu d’autorité qui lui restait.
« La loge doit agir comme un seul homme, reprit-il, utilisant une formule
très employée. Sommes-nous tous d’accord pour un arrêt de travail ? »
Il y eut
un chœur d’assentiment.
« Très
bien, dit Jack d’une voix morne. Je vais en informer le prieur. »
L’évêque
Waleran fit son entrée à Shiring escorté de sa petite armée de serviteurs. Le
comte William qui l’attendait sur le portail de l’église, place du Marché,
fronça les sourcils. Il s’attendait à une simple rencontre sur le chantier, pas
à une cérémonieuse visite officielle. Où voulait en venir le tortueux
évêque ?
Avec
Waleran, se trouvait un étranger montant un hongre bai. L’homme, un grand
gaillard dégingandé, avec d’épais sourcils noirs et un nez au profil d’aigle,
arborait un air méprisant qui semblait permanent. Il chevauchait auprès de
Waleran, d’égal à égal, mais ne portait pas la tenue d’un évêque.
Dès qu’ils
eurent mis pied à terre, Waleran fit les présentations. « Comte William,
voici Peter de Wareham, archidiacre au service de l’archevêque de
Canterbury. »
Aucune
explication sur la présence de Peter, nota William. Waleran préparait sûrement
quelque chose. L’archidiacre s’inclina. « Votre évêque m’a parlé de votre
générosité envers notre sainte mère l’Église, lord William. »
Sans
laisser à ce dernier le temps de répondre, Waleran désigna l’église
paroissiale. « Cet édifice va être démoli pour faire place à la nouvelle
église, archidiacre, dit-il.
— Avez-vous
déjà désigné un maître maçon ? » interrogea Peter.
William se
demanda pourquoi un archidiacre de Canterbury portait un tel intérêt à l’église
paroissiale de Shiring. Mais peut-être était-ce simplement par politesse.
« Non,
répondit Waleran, je n’ai pas encore trouvé de maître. De nombreux bâtisseurs
cherchent du travail, mais je ne trouve personne qui vienne de Paris. Il semble
que tout le monde veuille bâtir comme Saint-Denis et les spécialistes de ce
style sont très demandés.
— C’est
important en effet, observa Peter.
— Il
y a un bâtisseur susceptible de nous aider qui attend de nous rencontrer tout à
l’heure », dit Waleran.
William,
une fois de plus, s’étonna : pourquoi Peter estimait-il important de bâtir
dans le style de Saint-Denis ?
« La
nouvelle église, poursuivit Waleran, sera plus grande. Elle avancera davantage
sur la place. »
William
n’aimait guère les airs de propriétaire que prenait l’évêque. Il
intervint : « Je ne veux pas que l’église empiète sur la place du
Marché. »
Waleran
marqua sa désapprobation contre l’intervention de William. « Et pourquoi
donc ? fit-il.
— Chaque
pouce de la place rapporte de l’argent les jours de marché. »
Waleran
semblait prêt à discuter, mais Peter suggéra avec un sourire : « Ne
tarissons pas la fontaine d’argent !
— C’est
mon avis », dit William. Après tout, il finançait lui-même l’église. Par
bonheur, la quatrième mauvaise récolte d’affilée n’avait pas changé grand-chose
à son revenu. Les petits fermiers payaient leur loyer en espèces, et nombre
d’entre eux avaient donné à William son sac de grains et sa paire d’oies, eux
qui vivaient de soupes de glands. En outre, ce sac de grains avait quintuplé de
valeur depuis cinq ans, et cette augmentation compensait largement les pertes
causées par les fermiers insolvables et les serfs morts de faim. William avait
encore les moyens de subvenir aux frais de la nouvelle construction.
Ils firent
le tour pour arriver derrière l’église où se trouvait un quartier qui
rapportait un maigre revenu. « Nous pouvons bâtir de ce côté après avoir
abattu toutes ces maisons, expliqua William.
— Mais
la plupart sont des résidences cléricales, objecta Waleran.
— Nous
trouverons d’autres logis pour le clergé. »
Waleran
parut mécontent, mais n’insista pas.
Un peu
plus loin, un homme aux larges épaules, âgé d’une trentaine d’années, vint les
saluer en
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