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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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droits.
    — Si nous allons demain en
bataille, et qu’un Hirson se trouve à portée de ma lance, je lui promets
quelque coup qui ne viendra pas forcément des Flamands, déclara un gaillard aux
gros sourcils roux qui s’appelait le sire de Souastre.
    Robert d’Artois, en dépit de ce
qu’il buvait, gardait la tête claire. Tout ce vin distribué, les filles
offertes, et tant d’argent dépensé avaient leur raison ; le géant
travaillait à avancer ses affaires.
    — Mes nobles sires, mes nobles
sires, dit-il, d’abord la guerre du roi, dont nous sommes les loyaux sujets et
qui, pour l’heure, je vous l’assure, est tout acquis à vos justes doléances.
Mais une fois la guerre achevée, alors, mes seigneurs, je vous donne conseil de
ne point vous désarmer. C’est une bonne occasion que vous avez là d’être en
troupe, avec vos gens réunis. Rentrez ainsi en Artois, et parcourez le pays
pour chasser les agents de Mahaut et les fesser au cul sur la place des bourgs.
Et moi je vous appuierai à la Chambre du roi, et reprendrai s’il le faut mon
procès en appel du jugement qui m’a lésé ; et je m’engage à restaurer vos
coutumes, comme elles étaient au temps de mes pères.
    — Ainsi ferons-nous, messire
Robert, ainsi ferons-nous !
    Souastre ouvrit les bras.
    — Jurons, s’écria-t-il, de ne
point nous séparer avant qu’il n’ait été fait droit à nos requêtes, et que
notre bon sire Robert ne nous ait été rendu pour être notre comte.
    — Nous le jurons !
répondirent les barons.
    Il y eut force embrassades et encore
de grandes rasades versées ; et l’on alluma les flambeaux parce que le
jour baissait. Robert se réjouissait de voir la ligue d’Artois, qu’il avait
fomentée, si bien prête à l’action. C’eût été sottise, vraiment, que de mourir
le lendemain…
    À ce moment, un écuyer pénétra dans
la tente en disant :
    — Monseigneur Robert, les chefs
de bannière sont requis au tref du roi !
    Quand d’Artois entra, sans hâte,
chez le roi, la plupart des grands seigneurs déjà s’y trouvaient, assis en
cercle pour ouïr le connétable.
    Beaucoup ne s’étaient lavés ni rasés
depuis six jours. Ordinairement, ils n’auraient jamais passé temps si long sans
aller aux étuves. Mais la crasse faisait partie de la guerre.
    Lassé de devoir répéter les mêmes
évidences, Gaucher de Châtillon fut bref, et presque impertinent à l’égard du
souverain. Ce roitelet décidément ne lui convenait guère, qui tranchait seul
sur les sujets qui eussent mérité Conseil et tenait assemblée lorsqu’il eût dû
ordonner. Gaucher avait été habitué à d’autres méthodes, où le commandement des
troupes ne constituait pas matière à délibérer.
    Étalant sa cotte de soie bleue sur
ses genoux, Valois commença de pérorer.
    — Il est vrai, Sire mon neveu,
comme Gaucher vient de le confirmer, qu’on ne peut davantage rester en ce lieu
où tout s’abîme à la fois, l’âme des hommes et le poil des chevaux. L’inaction
nous gâche autant que la pluie…
    Il s’interrompit parce que le roi
s’était retourné et parlait à Mathieu de Trye, son chambellan. Le Hutin
réclamait seulement qu’on lui passât son drageoir ; les difficultés lui
inspiraient le besoin de sucer ou de croquer quelque sucrerie…
    — Poursuivez, mon oncle, je
vous prie, dit-il.
    — Il faut déloger demain tôt le
matin, reprit Valois, trouver un passage à la rivière, en amont, et courir sus
aux Flamands pour les culbuter avant le soir.
    — Avec des hommes sans vivres,
des montures sans fourrage ? dit le connétable.
    — La victoire leur remplira le
ventre. Ils peuvent tenir encore une journée ; c’est le jour d’après qu’il
sera trop tard.
    — Et moi, je vous réponds que
vous allez vous faire tailler ou vous faire noyer. Il faut, si vous m’en
croyez, retirer l’armée sur une hauteur vers Tournai ou Saint-Amand, laisser
les viandes nous parvenir, les eaux s’écouler…
    — On voit bien, cousin, dit
Valois, que vous touchez cent livres la journée quand le roi chevauche avec
l’ost, et que vous vous souciez peu de voir finir la guerre.
    Le ton voulait être celui de la
boutade ; mais le connétable, blessé au vif, répliqua :
    — Je suis au devoir de vous
rappeler, cousin, que même le roi ne peut marcher sus à l’ennemi sans que le
connétable en ait donné l’ordre. Et cet ordre, en l’état présent, je ne le
donnerai point. Ce faisant, le

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