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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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pont-levis
s’abaissa, puis le troisième. Les barons hésitaient.
    — Es-tu bien sûre que ma mère
soit ici ? souffla Jeanne à Béatrice d’Hirson.
    — Je vous le jure sur ma vie,
Madame.
    Alors Jeanne pencha la tête hors du
char.
    — Eh bien ! Messeigneurs,
dit-elle, avez-vous perdu la hâte que vous montriez de parler à votre
suzeraine, et le courage vous manque-t-il au moment de l’approcher ?
    Ces paroles poussèrent les barons en
avant et, pour ne pas démériter aux regards d’une femme, ils entrèrent dans la
troisième cour où ils mirent pied à terre.
    Si préparé qu’on soit à un
événement, il est rare qu’il survienne de la manière qu’on attendait.
    Jeanne de Poitiers avait envisagé de
vingt façons le moment où elle se retrouverait en présence des siens. Elle
s’était apprêtée à tout, à l’accueil glacial comme aux embrassements, à la
grande scène de réhabilitation officielle comme à l’intime réunion de
réconciliation. Pour chaque éventualité, elle avait construit son attitude et
prévu des paroles. Mais jamais elle n’avait imaginé qu’elle rentrerait au château
de famille escortée du désordre de la guerre civile et d’une dame de parage en
train de faire une fausse couche.
    Lorsque Jeanne pénétra dans la
grand-salle éclairée aux cierges où la comtesse Mahaut, debout, bras croisés,
lèvres serrées, regardait s’avancer les barons, ses premiers mots furent pour
dire :
    — Ma mère, il faut donner
secours à madame de Beaumont qui est en train de perdre son fruit. Vos vassaux
lui ont causé trop violente peur.
    Aussitôt la comtesse chargea sa
filleule Mahaut d’Hirson, une sœur de Béatrice qui était également de ses
demoiselles de parage, d’aller quérir maître Hermant et maître Pavilly, ses
physiciens particuliers, pour qu’ils portassent leurs soins à la malade. Puis,
retroussant ses manches et s’adressant aux barons :
    — Sont-ce là, méchants sires,
des actions de chevalerie, que de vous en prendre à ma noble fille et aux dames
de sa suite, et croyez-vous ainsi me faire fléchir ? Aimeriez-vous qu’on
en usât de même avec vos femmes et vos pucelles lorsqu’elles cheminent par les
routes ? Allons répondez, et dites-moi quelle est l’excuse à vos forfaits,
pour lesquels je demanderai punition au roi !
    Les alliés poussèrent Souastre en
avant.
    — Parle ! Dis ce que tu
dois…
    Souastre toussa pour s’éclaircir la
gorge. Il avait tant parlé, vitupéré, crié ses griefs, harangué ses partisans,
que maintenant, au moment le plus important, la voix lui manquait.
    — Or ça, Madame, commença-t-il
d’un ton enroué, nous voulons savoir si vous allez enfin désavouer votre
mauvais chancelier qui étouffe nos requêtes, et consentir à nous reconnaître
nos coutumes comme elles étaient du temps de Saint Louis…
    Il s’interrompit parce qu’un nouveau
personnage entrait dans la pièce, et que ce personnage était le comte de
Poitiers. La tête un peu inclinée vers l’épaule, il avançait à longs pas
tranquilles. Les barons, qui ne s’attendaient pas à voir surgir ainsi le frère
du roi, se tassèrent les uns contre les autres.
    — Messeigneurs… dit le comte de
Poitiers.
    Il s’arrêta, ayant aperçu Jeanne.
    Il vint à elle et la baisa sur la
bouche, de la façon la plus naturelle du monde, devant toute l’assistance, pour
bien prouver par-là que sa femme était pleinement revenue en grâce et que donc
les intérêts de Mahaut étaient pour lui affaires de famille.
    — Alors, Messeigneurs, reprit-il,
vous voici mécontents. Eh bien ! Nous aussi. Alors si nous nous entêtons
de part et d’autre, et usons de violence, nous n’arriverons à rien de
profitable… Ah ! Je vous reconnais, Bailliencourt ; vous étiez à
l’ost… La violence, c’est le recours des gens qui ne savent pas penser… Je vous
salue, Caumont… Ah ! Mon cousin de Fiennes ! Je n’attendais pas votre
visite en telle compagnie…
    En même temps, il passait parmi eux,
les dévisageant, s’adressant nommément à ceux qu’il avait déjà eu l’occasion de
voir, et leur tendant la main, à plat, pour qu’ils y posassent leurs lèvres, en
signe d’hommage.
    — Si la comtesse d’Artois
voulait vous châtier des mauvais usages que vous venez d’avoir envers elle,
cela lui serait facile… Messire de Souastre, regardez par cette fenêtre et
dites-moi si vous auriez chance d’échapper ?
    Quelques alliés

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