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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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feu… comme si le malheur
     s’attrapait. Mon piano, c’est la seule bonne chose que tu m’as donnée. C’est
     tout ce qui me reste, ma musique. Tu ne peux toujours bien pas me demander de
     m’en départir…
    François-Xavier avait soupiré. Il rentrait de Montréal, son père naturel venait
     de décéder, personne ne le savait… Il n’y avait qu’à Georges qu’il aurait pu se
     confier. Georges était au courant de ses origines. Mais cela ne lui était plus
     possible.
    — Puis avec Yvette qui est restée à Montréal, je n’ai plus personne pour
     m’aider ! reprit Julianna.
    — Ah, ben là ! tu exagères. C’est la faute à qui cette
     histoire, hein, à qui ?
    — Ma sœur est malade ! J’essaye de trouver des solutions pour accommoder tout
     le monde pis toi, tu me raccroches au nez !
    — Le téléphone, ça coûte cher !
    — Qu’est-ce que tu penses que Georges a cru, hein ?
    — Ton frère peut croire ce qu’il veut.
    — En plus, je suis pognée entre vous deux, dans vos maudites chicanes ! Mon
     frère, c’est tout ce qui me reste de parenté par ici !
    — Julianna, je serai jamais capable de te contenter, jamais !
    — Je ne te demande pas la lune, juste de signer pour le loyer. Je suis certaine
     qu’on ne peut pas trouver mieux puis toi, tu branles dans le manche !
    — Il faut être capable de se le payer !
    — C’est toujours pareil avec toi ! Il n’y a pas moyen d’améliorer notre sort !
     dit Julianna en partant à pleurer. François-Xavier n’avait pas eu la force de
     s’opposer plus longtemps à sa femme. Il savait au fond de lui que cela serait
     une erreur, mais il avait abdiqué :
    — Je vas passer signer le loyer demain, dit-il en s’approchant d’elle. C’est
     vrai que c’est à côté de la fromagerie.
    Julianna avait séché ses larmes.
    — Tu vas quand même être fromager, c’est pas rien !
    — Pis le boss parle de prendre sa retraite dans une couple d’années. Ça a l’air
     que son fils unique pense plus à s’amuser qu’à la business. Peut-être que je
     pourrai avoir des parts dans la fromagerie.
    François-Xavier avait eu tout faux. C’était tout le contraire qui s’était
     produit. Il était loin d’avoir gravi les échelons. Il rangea le balai et le
     changea pour la mop. Il fixa la porte. S’il pouvait avoir le courage de la
     franchir, de retirer ce ridicule chapeau blanc de fromager et de tourner le dos
     à sa déception. Il avait cinquante etun ans, il ne pouvait
     donner sa démission sur un coup de tête. Il remplit un seau d’une eau savonneuse
     et se mit à laver le sol. Comme la vie passait vite. Plus de la moitié d’un
     siècle. Qui prendrait soin de sa famille s’il ne travaillait pas ? Par chance,
     ses fils se débrouillaient bien. Léo apprenait à être cordonnier à Montréal,
     Jean-Baptiste était entré à l’école des métiers, Zoel et Adélard étaient au
     séminaire et étudiaient fort. Au moins, les deux derniers pouvaient espérer être
     quelqu’un, un avocat, un notaire ou… mais cet enseignement était si dispendieux.
     Il ne voulait pas s’endetter. Qu’allait-il faire ? Il aurait donné n’importe
     quoi pour quitter la fromagerie et se trouver autre chose. Maintenant, personne
     ne voudrait engager un vieillard. S’il fallait qu’il tombe malade… Sa pauvre
     Julianna, que deviendrait-elle ? Elle ne pourrait se débrouiller seule dans la
     vie ! Elle arrivait à peine à cuisiner un repas convenable. Il n’avait pas le
     choix. Il devait fermer sa gueule et endurer. Avec cette baisse de revenu, il
     devrait songer à chercher un nouveau logement, quelque chose de plus petit et
     surtout de moins cher.
    Dès ce soir, il aurait une conversation sérieuse avec sa femme. Elle entendrait
     raison. Elle bouderait, tempêterait, mais François-Xavier n’avait guère d’autre
     possibilité. Avant de se rendre chez lui, il ferait un détour jusque sur le bord
     de la rivière Saguenay. Pendant quelques minutes, il fermerait les yeux et
     s’imaginerait en haut de la tour d’une belle grande maison, admirant le lac
     Saint-Jean qui s’étendrait à ses pieds ; juste quelques minutes...

    L’éclatement du pneu réveilla brusquement Pierre, qui s’était assoupi. Assis à
     côté de lui, le conducteur du camion se mit à sacrer tandis qu’il manœuvrait
     afin de ne pas perdre le contrôle du véhicule. Pierre serra les dents et
     s’accrocha à

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