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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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châtiments.
    — Votre mère vous défend, je vas vous montrer, moé, qui est le boss
     icitte.
    Il n’avait aucune considération pour eux. Sa femme, il la traitait comme un
     objet. Si elle avait le malheur de refuser le devoir conjugal, il la prenait de
     force. Il était son époux, il avait tous les droits. Un jour, pendant que son
     mari était au travail, elle recouvrit sa tête d’un foulard, mit des lunettes
     fumées pour dissimuler son œil poché et, la tête baissée, elle se rendit au
     presbytère. Prenant son courage à deux mains, elle ne cacha rien au curé. Elle
     raconta la violence qu’elle et ses enfants subissaient. La soutane l’avait
     renvoyée chez elle après l’avoir sermonnée sur le rôle d’une épouse. Elle devait
     chercher ses fautes.
    « Tenez-vous votre maison propre et accueillante pour votre époux ? La place
     d’une femme est auprès de son mari. Vous devez assurer son bien-être. Soyez plus
     soumise, ne le mettez pas en colère. »
    À partir de ce moment, les bondieuseries l’avaient écœurée. Combien de fois,
     lorsqu’elle était venue vivre à Montréal avec sa chère Léonie, elle avait eu
     envie de lui crier que c’était de l’hypocrisie, ces robes noires ! Chère Léonie,
     morte, enfermée dans un couvent. Y avait-elle trouvé la paix, la paix de l’âme ?
     Marie-Ange, elle, n’avait connu la délivrance que lorsque son mari avait passé
     l’arme à gauche. Mais pendant ces années de misère, elle s’était effacée le plus
     possible, cherchant à combler son mari. Elle n’avait rien pu faire d’autre. Elle
     s’était évertuée à ne jamais laisser ses enfants seuls en présence de son mari.
     Heureusement, celui-ci s’était fait une maîtresse et la laissait plus
     tranquille. En cachette, Marie-Ange avait mis le plus d’argent possible de côté.
     Elle faisait des économies de bouts de chandelle pour pouvoir, un jour, s’enfuir
     avec ses enfants. Mais il était décédé avant en lui laissant unerente. La maîtresse n’avait rien eu. Pauvre fille, elle s’était présentée aux
     funérailles. Son visage surpris quand Marie-Ange lui avait mis une main gantée
     de noir sur le bras en lui disant simplement :
    — Merci.
    Dès que ses enfants l’avaient pu, ils avaient quitté la maison. Petit à petit,
     ils étaient tous partis s’installer aux États-Unis. Veuve, Marie-Ange avait cru
     que tout changerait. Enfin, elle allait vivre, libérée de sa prison maritale.
     Mais sa famille était irrémédiablement brisée. Ses enfants lui en voulaient de
     ne pas les avoir mieux défendus, elle le sentait. Aujourd’hui, elle réalisait
     qu’elle ne les avait pas revus depuis plus de deux décennies. Elle n’avait rien
     su de leur vie ou presque, jamais connu ses petits-enfants. Pour survivre, elle
     s’était vouée aux autres, se forgeant une image de bonne vivante. Vieillir n’use
     pas seulement le cœur, cela affaiblit aussi les carapaces. L’accumulation des
     épreuves, des tourments, avait eu raison de bien des masques. Aujourd’hui,
     Marie-Ange se sentait faible, triste, pleine de regrets. Doucement, elle
     s’agenouilla et déposa sa tête sur le rebord du fauteuil. Elle allait prier. Pas
     pour le succès d’Yvette... tant pis pour la demande de sa nièce. Elle ne
     renouerait pas avec sa foi pour un vulgaire concours de chansonnette. Elle en
     avait beaucoup trop besoin pour elle-même.

    — On vous a pas engagé pour nous donner votre opinion, mais pour faire du
     fromage.
    — Mais c’est juste que…
    — Si la job fait pas votre affaire, vous savez où se trouve la porte, monsieur
     Rousseau.
    François-Xavier soutint un moment le regard de son jeune patron. Avec un
     semblant de soumission, il baissa les yeux. Il pouvaitainsi
     cacher sa rage. Satisfait, le propriétaire de la fromagerie quitta la
     pièce.
    Quand François-Xavier fut certain que son nouveau, fendant, pas de génie de
     patron avait quitté la salle, il releva les yeux, prit le balai et se mit à
     nettoyer le plancher. Il était soutien de famille, il ne pouvait perdre son
     emploi. Déjà que son salaire avait baissé. François-Xavier était malheureux. Il
     avait tant espéré de ce travail ! Le jeune fils du patron avait repris
     l’entreprise familiale et avait presque relégué François-Xavier au rang de
     balayeur. Il avait poussé l’insulte à engager un jeune beau-frère qui ne
     connaissait absolument rien à

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