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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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la poignée de laportière, prêt à l’ouvrir et à
     sauter s’il le fallait. Avec soulagement, il relâcha sa prise tandis que l’engin
     boiteux se garait maladroitement sur le bas-côté de la route.
    — Criss de câlisse de tabarnac !
    Après avoir juré un bon coup, le conducteur s’empressa de descendre vérifier la
     crevaison comme si, par miracle, il allait trouver le pneu intact. Pierre
     descendit à son tour. S’appuyant sur le côté du camion, lentement, il s’alluma
     une cigarette. C’était la troisième fois cet été qu’un pneu éclatait. Les routes
     étaient mauvaises et son collègue avait le pied pesant. Leur employeur verrait
     rouge. Pierre tira une longue bouffée et s’amusa à dessiner des ronds de fumée.
     Il devenait vraiment bon à ce petit jeu. Il n’appréciait guère son collègue.
     C’était un nouveau chez Tremblay Express et il tenait toujours à conduire.
     Pierre ne serait pas surpris si celui-ci se faisait mettre à la porte. Auquel
     cas Pierre ne lèverait pas le petit doigt pour prendre sa défense !
    — Câlisse, la roue est faussée. On est pognés icitte.
    Le conducteur attendit que Pierre émette un commentaire.
    Celui-ci expira longuement vers le ciel un autre cercle blanchâtre.
    — Sacrament, j’ai compris. J’m’en vas chercher ce qu’il faut pour réparer. Tu
     restes icitte, Rousseau, pis tu lâches pas le camion d’un œil. S’il fallait
     qu’on se fasse voler le chargement en plus, sacrament de ciboire de
     câlisse…
    Pierre le regarda s’éloigner. Il savait ce que la crevaison impliquait. Des
     heures d’attente près du camion, le temps que le chauffeur s’en retourne à
     Jonquière et qu’il en revienne avec la précieuse bande de caoutchouc et quelques
     outils. Il éteignit sa cigarette et remonta dans la cabine du côté passager.
     Après quelques minutes, Pierre retourna dehors. Il était en sueur dans
     l’habitacle du camion. Pierre se dit que la viande qu’ils transportaient
     risquait de pourrir sur place tellement le soleil étaitchaud.
     Le matin, ils avaient chargé la cabine fermée du camion de beaux gros quartiers
     de bœuf. Ils devaient livrer la viande dans trois boucheries différentes de la
     région. Pierre haussa les épaules. Il ne pouvait rien changer à la situation. La
     viande était entourée de paille et reposait sur un lit de glace. Si l’on
     n’ouvrait la porte sous aucun prétexte, cela devrait rester froid. Pierre
     traversa la route et alla s’asseoir à l’ombre d’un arbre de l’autre côté du
     fossé. Par ennui, il fut tenté de se rallumer une cigarette, mais opta, à la
     place, pour une longue brindille de foin qu’il glissa entre ses dents. Il ferma
     les yeux à demi et laissa ses pensées vagabonder. Aussi bien profiter de ce
     moment de répit. Une automobile arriva. Elle ralentit, scrutant la scène de
     l’incident, avant d’accélérer de nouveau. À l’arrière était assis un jeune
     garçon ; il remarqua Pierre. De l’autre côté de la vitre, il lui fit un grand
     sourire. Pierre aurait juré que c’était Chapeau. En riant, il se traita
     d’imbécile. Chapeau était rendu plus vieux et avait les cheveux bien plus
     sombres. Cela avait été le sourire. Il se demanda ce que son jeune ami devenait.
     À son habitude, l’Indien avait disparu sans un au revoir, rien. Cela faisait
     trois ans. C’était le jour du déménagement. Ses parents étaient prêts à ce que
     leur protégé les suive à Chicoutimi, mais l’Amérindien en avait décidé
     autrement. De toute façon, Pierre avait peine à imaginer Chapeau en pleine
     ville. À la campagne, il gagnait sa pitance en aidant aux travaux de la ferme,
     mais en ville, dans un logement au deuxième étage, qu’aurait-il pu faire ? Tout
     à ses rêveries, Pierre glissa dans un demi-sommeil. Un drôle de bruit le
     réveilla. C’était un vélo qui grinçait à chaque coup de pédale. Grimpée dessus,
     une jeune fille venait à sa rencontre. Elle ne s’était pas aperçue de la
     présence de Pierre, trop occupée à regarder le camion abandonné au-devant
     d’elle. Pierre la détailla. Elle était jolie, sa robe d’été dévoilant des jambes
     au rythme des tours de roue. De longs cheveux blonds cascadaient sur ses
     épaules. Elle avait la taille ceinte d’un ruban jaune assorti à celui qu’elle
     portaitdans sa chevelure. Il se redressa et la suivit des yeux.
     Comme un gamin mal

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