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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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infirmière
     ou de se marier ? Pourquoi endurer cette angoisse qui vous empêche de respirer,
     ces nauséesqui n’ont rien à voir avec votre dernier repas ?
     Avoir mal au ventre comme si un monstre vous dévorait de l’intérieur, se noyer
     dans ses poumons comme si l’air se liquéfiait au fur et à mesure que vous
     inspirez ? Chancelante, elle franchit la fameuse porte à la suite de la femme
     qui l’avait convoquée. Une anecdote, que madame Bourget lui avait racontée, lui
     revint en mémoire. C’était au sujet d’une ancienne tragédienne, la grande Sarah
     Bernhardt. Celle-ci tenait le premier rôle et se préparait à entrer en scène
     quand, en coulisse, une petite débutante clama haut et fort qu’elle n’avait
     aucunement le trac. Sarah Bernhardt lui aurait rétorqué d’un air doucereux :
     « Ne vous en faites pas, ma chère, cela vient avec le talent. »
    Yvette se rassura. Cela devait être bon signe de mourir d’angoisse comme elle
     en ce moment. Après un interminable couloir où le bruit de ses talons résonnait
     de façon gênante, elles arrivèrent à un escalier en colimaçon. Elle hésita. Elle
     ne parviendrait jamais à l’autre étage sans débouler avec ses satanés souliers !
     Elle avait déjà peine à marcher. Elle n’avait pas le choix. Elle les enleva. La
     femme la regarda comme si elle perdait l’esprit. D’un air désapprobateur, elle
     gravit l’escalier. Yvette la suivit, ses souliers à la main. Les marches
     menaient à un autre corridor sur lequel s’ouvraient des portes de loges. Elles
     passèrent devant et empruntèrent un troisième et un quatrième couloir. Enfin,
     elles débouchèrent sur une coulisse. D’épais rideaux noirs étaient tendus,
     remplis de poussière. Yvette sentit la gorge lui piquer. Elle avait une envie
     folle de tousser. Elle étouffait. La femme s’arrêta. Elle n’allait pas plus
     loin. Yvette se rechaussa. Elle avait besoin d’eau. Sa bouche était soudainement
     tapissée de sable. Jamais elle ne pourrait s’avancer au milieu de cette scène
     comme la femme le lui indiquait. Elle se mit à tousser, de plus en plus fort.
     Les larmes lui piquèrent les yeux. Elle croassa qu’il lui fallait quelque chose
     à boire. La femme la regarda d’un air désabusé. D’un geste, elle lui désigna une
     carafe remplie à moitié d’une eau douteuse. Yvette se jeta sur leverre sale qui reposait, à l’envers sur une serviette de table, à côté du
     récipient. Après avoir bu une longue rasade, elle remercia la femme, la voix
     enrouée et écorchée par cette quinte de toux. La femme la regarda d’un air
     impatient. Dans ses yeux, on lisait la certitude qu’elle ne pariait pas fort sur
     la performance de cette Yva. La candidate numéro vingt-neuf inspira longuement,
     essayant d’ignorer l’envie de tousser qui la reprenait. La femme regarda sa
     montre et lui fit signe qu’elle les avait assez retardés. Yvette sortit des
     ténèbres et s’avança sur la scène du théâtre vers le piano où un accompagnateur
     attendait, l’air aussi blasé que la femme de la coulisse. De cette démarche
     incertaine et malhabile que seules de nombreuses heures supplémentaires
     d’exercices dans le salon auraient pu améliorer, Yvette, sur ses talons, faillit
     trébucher dans une fente du plancher. Celui-ci était peint en noir et elle
     maugréa intérieurement contre cet abruti choix de couleur et sur cette lumière
     aveuglante qui l’empêchait de voir quoi que ce soit en avant d’elle. Une voix
     masculine d’outre-tombe lui parvint de la salle.
    — J’espère que vous chantez mieux que vous ne marchez, mademoiselle.
    Yvette plissa les yeux et mit la main en visière, essayant de discerner le
     visage qui collait à la voix.
    Comme elle restait silencieuse, l’homme reprit :
    — Mademoiselle, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais vous êtes loin
     d’être la seule candidate.
    — Excusez-moi… je…
    Elle s’interrompit, deux éternuements la prenant par surprise. Elle voulut
     fouiller à la recherche d’un mouchoir, mais la robe empruntée à Isabelle ne
     comportait aucune poche. Timidement, elle lissa le tissu qui lui serrait
     beaucoup trop les hanches et qui, en revanche, flottait sur sa poitrine plus
     menue que celle de la pensionnaire. À nouveau, elle ne put s’empêcher de
     tousser.
    — Si vous êtes souffrante, vous seriez mieux de rentrer chezvous, mademoiselle.

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