Les porteuses d'espoir
prêt-à-porter ne s’écrit pas du tout comme cela.
L’homme ne s’offusqua pas. Au contraire, il regarda la pancarte et se mit à
rire.
— Je n’avais pas fait attention, je ne l’avais pas lue encore.
Vous êtes maîtresse d’école ? supposa-t-il.
— Non, non, pas du tout.
— Ah bon ! de grandes études au couvent, alors.
— Pas vraiment. Je rédige bien, c’est tout. Cela doit être à cause de ma
passion pour les livres. Depuis que je suis toute petite.
— Hum... Je vais devoir remercier celui qui a fait ces fautes
d’orthographe.
Julianna se méprit.
— Vous n’allez pas mettre dehors une pauvre personne pour si peu !
— Mais non, je vais lui dire merci parce que je vous ai rencontrée.
Julianna rougit comme une jeune adolescente. Allons donc, cet homme était dans
la cinquantaine et elle-même s’en approchait dangereusement.
— Ce local, c’était mon rêve. J’ai passé souvent devant en espérant le louer
puis vendre des robes.
— C’est trop tard, désolé. Mais, si je ne suis pas trop indiscret, c’est assez
rare qu’une femme se parte en affaires seule…
— Euh oui, enfin, mon mari l’aurait loué puis moi je m’en serais occupée.
— Dommage…
— Oui, dommage.
— Que vous soyez mariée… je veux dire.
— Oh… bon, je… ne vous dérangerai pas plus longtemps.
— Attendez ! Vous êtes une femme, non ?
— Aux dernières nouvelles, oui… mais…
— Puis une femme, c’est sensible, puis ça s’y connaît dans les affaires de
cœur…
— Monsieur, vous exagérez.
— Puis si un pauvre homme vous confiait qu’il est tombééperdument amoureux d’une femme mariée, vous lui répondriez quoi ?
— Qu’il est tombé sur la tête et qu’il serait mieux d’avoir un peu plus de
jugement !
— Je vous engage !
— Quoi ?
— Ben, si vous cherchez du travail comme de raison, j’ai un emploi pour
vous.
— Je ne comprends pas. Vous voulez que je travaille dans votre boutique,
mais...
— Non, non, la boutique, ce n’est pas à moi. Je suis juste le propriétaire du
local. De celui-ci et de celui-là aussi, fit-il en désignant l’énorme pancarte
qui surmontait l’immeuble. Julianna savait ce qui y était inscrit.
— Vous… vous êtes le propriétaire du journal ?
— Oui, madame. Yves Boivin pour vous servir, directeur et rédacteur en chef de L’Étoile du matin. Montons dans mon bureau, on va régler les détails
de votre nouveau travail.
— Mais, pas si vite, j’ai rien compris, moi, là, là…
— Votre nom c’est quoi ?
— Madame François-Xavier Rousseau…
— Non, votre vrai nom !
— Julianna, Julianna Gagné, mais pourquoi ?
Il réfléchit…
— Non, rien ne me plaît. Ah ! vous avez un adorable prénom, mais ce n’est pas
ce que je cherche. Ça ne fait rien, on trouvera.
Devant l’air consterné de Julianna, le propriétaire du journal repartit à
rire.
— Je suis désolé, Julianna. Je peux vous appeler Julianna ? Vous allez
travailler pour moi d’abord.
— Ça va faire astheure, se fâcha Julianna. Ou vous m’expliquez clairement ou je
vous fais enfermer dans un asile !
— Je m’appelle Yves Boivin…
— Cette partie, ça va.
— Je suis proprié…
— Ce bout-là également.
— Fâchez-vous pas… j’aime étriver les gens. Ça leur donne des couleurs aux
joues et ça rend les yeux brillants, comme vous maintenant.
— Monsieur Boivin !
— Bon, j’arrête. Je n’ai pas remarqué les erreurs sur l’affiche de mon
locataire parce que j’avais la tête ailleurs. Je pensais à cette nouvelle
chronique que je veux mettre dans mon journal. Ça fait des semaines que j’y
jongle, mais je ne trouvais pas la personne qu’il fallait… jusqu’à ce que je
vous rencontre.
— Moi ?
— Oui, vous. Vous êtes parfaite. Vous êtes une femme, vous maîtrisez
l’écriture, puis vous savez remettre à sa place un homme effronté.
— Je ne comprends toujours pas, monsieur Boivin.
— C’est simple, vous allez être en charge du courrier du cœur de mon
journal.
— Vous êtes sérieux ?
— Quand je parle affaires, Julianna, je suis toujours sérieux.
— Je… je vois pas comment ça pourrait marcher… Vous… je suis une femme mariée…
Je ne connais rien aux problèmes des gens.
— Vous êtes mariée depuis longtemps ?
— Vingt-six ans.
— Des
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