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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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enfants ?
    — J’en ai eu dix, enfin, neuf.
    Il marqua un instant de surprise en la détaillant des pieds à la tête,
     effrontément.
    — Jamais je n’aurais cru…
    Julianna rougit de plaisir.
    — J’ai épluché les courriers du cœur des autres journaux puis ceux de la radio
     aussi, reprit le journaliste. Ce sont toujours les mêmes affaires qui
     reviennent. Mon mari a une maîtresse ; mon mari boit trop ; j’aime un autre
     homme…
    — Ma sœur Marie-Ange vit à Montréal. À part ses radioromans, son émission
     préférée dans le temps de la guerre, c’était un courrier du cœur. Elle m’avait
     justement parlé d’une émission où un jeune homme de vingt ans qui signait Sérieux demandait conseil. Il voulait épouser une veuve de quarante
     ans qui avait une fille du même âge que lui. Le pauvre disait qu’il n’était pas
     attiré par les filles plus jeunes parce qu’il les trouvait folles ! Je me
     souviens pas de la réponse, par exemple.
    — Puis vous, qu’auriez-vous dit à ce pauvre jeune homme ?
    Julianna réfléchit. Écrivant dans sa tête, elle se mit, à haute voix, à
     composer la réponse :
    — Cher Sérieux , êtes-vous certain que vous n’êtes pas plutôt effrayé par
     vos sentiments de jeune homme envers les jeunes filles que vous dites folles ?
     Sondez votre cœur. Une épouse n’est pas une mère, et un peu de folie dans la vie
     ne vous ferait peut-être pas de mal. La peur aveugle. Invitez la jeune fille de
     votre âge au restaurant et prenez le temps de jaser, non, d’échanger avec elle.
     Vous serez peut-être bien surpris…
    Julianna s’était bien amusée à ce petit exercice. Fière de sa réponse, elle
     sourit au journaliste. Il applaudit et déclara :
    — Et voilà votre premier article du courrier du cœur. Il ne reste qu’à le taper
     et il passe dans la prochaine édition.
    — Mais, j’ai dit n’importe quoi !
    — L’important, c’est d’avoir une bonne histoire. Il faut vraiment que je vous
     trouve un nom… Chère Julianna… non, il ne faut pas que les gens sachent qui vous
     êtes. Vous devez rester anonyme et mystérieuse… En même temps, vous devez être
     uneamie, une confidente… Chère… chère… Le courrier du cœur de…
     Ah ! rien ne me vient ! Le courrier de L’Étoile… non…
    Julianna regarda son interlocuteur faire les cents pas sur le trottoir, ne se
     préoccupant de rien d’autre, cherchant une idée, marmonnant. Quel homme
     étrange !
    — Le magasin que j’aurais ouvert, dit-elle en désignant le local du menton, je
     l’aurais appelé La belle du lac… Je pourrais signer Belle  ?
    Il s’arrêta net et répéta lentement le prénom.
    — Belle... Chère Belle, écrivez à Belle, Belle vous répondra, non il y a
     quelque chose qui cloche, trop court, trop de connotation de beauté… Ça sonne
     comme bébelle. Attendez, je l’ai ! Le courrier de Bella ! Ça vous
     plaît ?
    Julianna sourit et tendit la main à son nouveau patron.
    — Ça me plaît.

Automne 1951

    — T
u es obligé de monter au chantier pour tout
     l’hiver ? demanda Odile d’un air chagrin.
    Avec affection, Pierre regarda la jolie moue de la jeune fille. C’est vrai
     qu’ils avaient passé l’été à se fréquenter. Cela serait difficile de se séparer.
     Mais il lui fallait bien gagner de l’argent ! L’hiver, on commençait à peine à
     ouvrir quelques chemins et son employeur réduisait toujours ses effectifs, ne
     gardant que quelques gars pour des livraisons locales. D’habitude, Pierre était
     de ceux-là. Mais cette fois, son boss de Tremblay Express l’avait fait
     venir dans son bureau. Il était licencié.
    — Un des gars qui travaille avec toé vient de me rapporter quelque chose. Ça
     m’étonne de toé, Rousseau, mais c’est-y vrai que t’as laissé un camion sur le
     bord de la route sans surveillance cet été dans le bout
     d’Hébertville-Station ?
    Surpris, Pierre était resté un moment interdit. Hébertville-Station, le village
     d’Odile… En un éclair, il revit la première rencontre avec la jeune fille. Il
     l’avait escortée chez elle puisque sa chemise lui servait d’écharpe. La mère
     d’Odile les avait fait entrer dans la cuisine. Elle avait à peine jeté un œil
     sur la blessure de sa fille en déclarant qu’il n’y avait rien là avant de
     retourner s’asseoir à la table pour continuer à hacher du tabac. Quelle femme
    

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