Les porteuses d'espoir
de
fourrure ; un béret d’hiver était mis un peu de côté sur ses cheveux tirés vers
l’arrière en une coiffure sophistiquée, dévoilant de charmantslobes d’oreilles portant chacun une petite perle blanche… Malgré lui, Pierre
s’approcha en murmurant le prénom de la femme. Avec les sifflements admiratifs
qui avaient suivi l’entrée de Mélanie, personne ne le remarqua. Mélanie trouva
étrange cet homme masqué qui se tenait immobile devant elle, lui bloquant
presque le passage. Elle le repoussa légèrement de la main et s’adressa à sa
mère.
— Pis maman, je suis-tu correcte ? demanda-t-elle en tournant un peu sur
elle-même.
Madame Langevin s’essuya les mains sur son tablier avant de méticuleusement
enlever un cheveu tombé sur le devant de la veste.
— T’es ben chic ! s’exclama Jeanne-Ida.
— T’as pas à t’inquiéter, Mélanie, tu es très bien, répondit finalement la mère
après un examen de la tenue de sa fille.
— Merci pour vos boucles d’oreilles, dit Mélanie.
— Juste à pas les perdre… C’est les seuls bijoux que j’ai.
Dérangée par la Mi-Carême, madame Langevin se plaignit :
— Non, mais ils auraient pu choisir une autre maison. Jeanne-Ida, dépêche-toé
de les servir qu’ils débarrassent le plancher !
— Je ferai pas honte au docteur ? s’inquiéta Mélanie.
— J’t’ai dit que t’étais ben correcte. Il t’emmène quand même pas aux noces de
la princesse Élisabeth.
— Quand même, c’est la première fois qu’il va me présenter à toute sa famille.
Pis toi, Jeanne-Ida, quand le docteur va arriver, je peux y demander qu’on aille
te reconduire chez vous.
— Es-tu folle ? La Mi-Carême a passe jamais par la ferme du père. On est trop
loin.
— Y sont surtout plus capables de mettre un pied devant l’autre, rétorqua
Mélanie. Ceux-là sont déjà ben pompettes, je trouve. Pis ben bruyants aussi,
ajouta-t-elle plus fort en chicanant les fêtards.
— Le curé va arriver à ses fins pis on sera plus jamais
bâdrés !
— Que le ciel vous entende, maman. Ben moi, je vas aller attendre le docteur
Poissan dehors.
Mélanie mit son manteau et se fraya un chemin jusqu’à la porte, repoussant avec
un peu d’impatience la horde de délurés qui ne voulaient pas qu’elle leur fausse
compagnie si vite. Pierre ne pouvait détacher son regard d’elle. Sous son
masque, Mathieu en faisait autant pour Jeanne-Ida.
Personne ne se rendit compte que quelques minutes plus tard, Pierre sortait à
la suite de Mélanie. La jeune femme marchait de long en large sur l’étroit
chemin déneigé qui menait à la porte de la maison, essayant de se réchauffer en
attendant que le médecin vienne la chercher. Elle ne possédait pas de gants
assez chics pour aller avec son ensemble. Elle était donc restée les mains nues.
Pierre s’avança silencieusement. Quand Mélanie réalisa qu’elle n’était plus
seule, elle se mit sur la défensive.
Pierre souffrait de plus en plus. Chaque pas lui coûtait un effort, ce qui
rendait sa démarche douteuse. Mélanie jeta un regard apeuré de gauche à
droite.
— Mélanie, murmura à nouveau Pierre.
Elle fronça les sourcils.
— Tu me connais ? Que c’est tu me veux ? Va retrouver les autres. Le docteur
Poissan va arriver.
La jeune femme essaya de ne pas montrer sa crainte.
— Mélanie, c’est moi, Pierre.
La jeune femme crut reconnaître la voix. Elle resta interdite. Se méprenant,
Pierre se dit que Mélanie l’avait connu sous son nom d’emprunt, Joe Dubois. Il
retira son déguisement. Mélanie écarquilla les yeux de stupeur.
— Mon vrai nom est Pierre Rousseau, fit-il avec un sourire
crispé.
Son esprit était comme embrouillé. Parler lui demandait un effort.
Mélanie lui sourit enfin, reprenant le contrôle de ses émotions.
— Je l’ai toujours su… Papa me l’avait dit… Ça fait longtemps.
— Sept ans… j’ai compté tantôt. Tu… tu as changé… tes cheveux… sont ben plus
longs…
— Ils ont poussé, voyons. J’espère que tu nous ramènes pas de poux en
cadeau.
— C’est pas juste tes cheveux qui ont poussé…
Mélanie piqua du nez en croisant les bras sur sa poitrine.
Pierre se mordit la langue. Quelle idiotie venait-il de dire ! Qu’allait penser
Mélanie ! Il détaillait sa silhouette, mais il voulait dire qu’elle avait
grandi, que…
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