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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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qu’elle était loin de la fillette de ses souvenirs. Pierre réalisa
     qu’il avait gardé en mémoire l’image de petites filles espiègles comme s’il
     avait été le seul à grandir. Il n’était pas imbécile : il savait que les
     cousines ne devaient pas être loin de la vingtaine maintenant et même plus, mais
     entre savoir et voir, il y avait une différence, une sacrée différence ! Jamais
     il n’aurait imaginé que le garçon manqué qu’il avait connu cet été-là se serait
     transformé en une telle féminité.
    Pierre grimaça de douleur sous le coup de poignard qui lui laboura le
     flanc.
    — Ça va pas ? s’informa Mélanie remarquant tout à coup le visage blême de
     l’homme.
    — C’est… j’suis content de te revoir.
    Ils se dévisageaient, ne sachant plus trop quoi dire, ne pouvant se quitter des
     yeux, ressentant au plus profond d’eux-mêmes le moment magique qu’ils
     vivaient.
    — Qu’est-ce que tu deviens ? demanda Pierre.
    — Je… J’aide à la ferme. Je suis la plus vieille, tu sais… Des
     fois, je remplace Jeanne-Ida au magasin de matante Édith, expliqua
     Mélanie.
    — Ah…
    — Mais aujourd’hui, je vas à un repas de noces…
    — Je sais…
    Pierre s’approcha encore plus près. D’un geste tendre, il lui frotta le bout du
     nez.
    — Tu te souviens, murmura-t-il, comment tu étais fâchée après moi… Tu m’as
     traité de moitié d’homme la dernière fois qu’on s’est vus.
    — Tu m’avais dit que j’avais l’air d’un garçon !
    — Je retire mes paroles, Mélanie ; il faudrait être aveugle pour te prendre
     pour un gars astheure.
    C’était plus fort que lui. Il plongea son regard dans celui de Mélanie, se
     pencha sur elle. Elle recula à peine. Elle rétorqua :
    — Pis il faudrait être aveugle pour pas se rendre compte que t’as trop
     bu !
    Elle le défia du regard.
    — J’aime pas les soûlons, ajouta-t-elle.
    Pierre ne se laissa pas démonter et vint mettre son visage tout près de celui
     de la jeune fille.
    — J’ai pas pris une goutte d’alcool…
    — Pourtant, t’as les yeux pas mal trop brillants…
    — C’est ta beauté…
    — Pis la parole un peu trop facile.
    — C’est à cause de mon cœur qui bat trop vite…
    — Pis t’as les joues rouges…
    — C’est que j’ai pas l’habitude de parler de même aux… femmes. Te revoir,
     Mélanie, c’est comme si le soleil s’était levé rien que pour moi, après des
     nuits pis des nuits d’absence…
    Il divaguait ! se dit-il. Son frère Mathieu avait déteint sur lui. Ilavait envie de faire de la poésie, il voulait trouver les mots
     les plus beaux pour Mélanie, les tresser et en couronner la jeune femme.
    Mélanie, le cœur battant, resta rivée au regard de Pierre. Comment avouer que
     ce soleil avait éclaté dans son cœur à treize ans, un soleil rouge flamme comme
     ces cheveux dans lesquels elle ne put se retenir de glisser les doigts. Tout à
     coup, elle retira sa main et la mit de travers sur le front de Pierre. Elle
     s’exclama :
    — Mais tu fais de la température ?
    Pierre vacilla légèrement. Mélanie le soutint.
    — Je… je suis malade, je pense.
    — T’as vraiment pas l’air bien, Pierre. As-tu mal à quelque part ?
    — Au ventre, j’ai ben mal au ventre. Au début, c’était endurable, mais là…
     j’suis plus capable de rester debout.
    — Appuie-toi sur moi… Merci Seigneur, v’là René qui arrive !
    — Qui ?
    — René, ben je veux dire docteur Poissan.
    Plié en deux, submergé par la souffrance, Pierre entendit les grelots du
     traîneau traverser son esprit défaillant.
    — Qu’est-ce qui se passe ? demanda le médecin en sautant à terre d’un geste
     vif.
    — Viens vite voir, je suis inquiète.
    Tant de familiarité était étonnante. Le docteur se pencha sur Pierre et le
     questionna :
    — Racontez-moi…
    Pierre ouvrit les yeux et étudia le médecin. Ce n’était pas le bon vieux
     docteur Poissan du temps, c’était son fils… un bel homme à peine plus âgé que
     lui.
    — Il dit qu’il a mal au ventre pis il est chaud !
    Pierre se détourna brusquement et, titubant, alla vomir dans le banc de
     neige.
    — Y a pris de la boisson ?
    — Non, non, pas une goutte à ce qu’il dit. Il est chaud parce
     qu’il fait de la température.
    — Quand il se sera vidé, on va rentrer pour que je l’examine, décida le
     docteur, mais avant, j’ai

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