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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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D’un ton radouci, il essaya à
     nouveau de faire tomber la pression.
    — Toi, Mathieu, y a pas une fille qui te fait tourner la tête ? À Montréal,
     quand tu travaillais au magasin du Juif ?
    On aurait dit, un moment, que son frère baissait la garde et que peut-être, ils
     pourraient enfin s’entendre un peu tous les deux. Un hiver au chantier peut être
     très éprouvant. Maintenant que le printemps était là, la paix pourrait revenir,
     elle aussi. Quand la température s’adoucit, les sentiments font de même.
    — Non… il y a pas de fille, se décida à répondre Mathieu.
    — Ah ! mais je vas te donner des cours si tu veux, le p’tit frère. Puisque tu
     sais pas t’y prendre...
    — On sait ben, Pierre le parfait !
    — Ben non, mais… j’ai plus d’expérience que toi…
    Mathieu sembla se murer à nouveau dans son silence.
    — C’est vraiment pas froid aujourd’hui…, dit Pierre.
    Pour toute réponse, Mathieu se contenta de sortir une feuille et un bout de
     crayon de sa poche.
    — C’est ben notre dernière journée de bûchage, reprit Pierre. Bientôt on va
     redescendre en ville.
    Les yeux au ciel, Mathieu semblait chercher l’inspiration. Pierre
     continua :
    — Tu serais aussi ben de broder comme les riches Anglaises qui
     s’ennuient.
    « Qu’est-ce que mon frère peut ben trouver d’intéressant à écrire des
     poèmes ? » se demanda-t-il avec un soupir d’exaspération. Quelle perte de temps,
     quelle chose inutile !
    Mathieu hocha la tête de gauche à droite d’un air condescendant.
    Pierre reprit la conversation.
    — Tu sais que les gars parlent de faire la Mi-Carême quand on
     va fermer le chantier ?
    Semblant avoir trouvé les mots à écrire, le poète se mit à composer.
    — Je l’ai jamais faite encore… Les autres disent que c’est ben plaisant. Ils
     veulent descendre à Normandin la passer. On va se masquer avec des cagoules pis
     faire le tour des maisons en criant : la Mi-Carême, la Mi-Carême !
    — Ah ! pis après, que c’est qui se passe ?
    Enfin, Pierre avait réussi à éveiller un peu de curiosité chez son frère. Il
     continua son explication.
    — Ben, je suis pas certain, mais je pense qu’ils nous servent à boire. Ça a
     l’air que ce qui est drôle, c’est que les gens nous reconnaissent pas.
    — Je connais personne à Normandin, c’est certain qu’ils sauront pas qui je
     suis.
    — Mais moi, oui ! On va aller chez les Langevin, ils vont mourir de peur ! Ils
     vont croire à un revenant !
    — Ah ben ! en parlant de revenant, en voilà tout un…, dit tout à coup
     Mathieu.
    Surpris, Pierre suivit le regard de Mathieu.
    — Chapeau !
    Un peu plus loin se tenait l’Amérindien.
    — C’est Chapeau, Mathieu, c’est Chapeau ! Ah ben ! lui, je te jure, y est pas
     possible ! C’est Chapeau !
    Le Sauvage souriait de toutes ses dents. Il tira de son cou la chaîne d’argent
     et avec de grands gestes, la montra à Pierre.
    — Oui, je sais, Chapeau, c’est moi qui te l’ai donnée. Approche que je te
     regarde. Maudit que t’as grandi, pis t’as changé de chapeau !
    L’Amérindien se découvrit. En riant, il voulut en coiffer Pierre. Celui-ci se
     déroba.
    Mathieu s’approcha à son tour. Chapeau lui fit une chaleureuse
     accolade.
    — J’oublie tout le temps que tu le connais aussi, dit Pierre.
    — Tu nous l’as laissé sur les bras à la ferme avant de prendre le large, tu
     t’en souviens pas ?
    — Maman a toujours dit que Chapeau l’embarrassait pas, qu’il l’aidait ben
     gros !
    Dans le fond, Mathieu aimait beaucoup l’Amérindien, mais il ne voulait pas
     l’admettre, pas à Pierre en tout cas. Chapeau regarda les deux frères à tour de
     rôle avec un air chagrin. De toute évidence, il était peiné du ton hargneux des
     deux hommes. Avec plein de mimiques, il essaya de leur faire comprendre quelque
     chose. Les prenant par la main, comme des enfants, Chapeau les entraîna dans une
     folle farandole où le chapeau passa de tête en tête. Cet Indien n’avait pas
     seulement le don de réapparaître. Il avait de grands pouvoirs. Il venait de
     faire rire Pierre et Mathieu, ensemble.

    — La Mi-Carême, la Mi-Carême !
    Pierre et ses compagnons étaient dans un réel état d’excitation en se préparant
     à entrer dans le village afin de célébrer la Mi-Carême.
    — La Mi-Carême, la Mi-Carême ! chantonnèrent-ils en turlutant et en prenant

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