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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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toujours rendue dans la lune à rêvasser. Je l’avais pas vue venir à côté de mon
     pupitre. Elle a tourné les pages. De la première à la dernière, elles étaient
     toutes remplies des trois mêmes mots : madame Pierre Rousseau. Elle avait été
     fine. Elle me l’avait redonné sans rien dire. Elle avait juste eu l’air ben
     découragée de moi... Maman m’avait cousu un bel ensemble pour patiner. C’était
     une belle robe courte d’un bleu si beau… Pas bleu marin ni bleu ciel, mais du
     bleu des bleuets. Pis elle avait cousu tout autour de la jupe pis des poignets
     de la belle fourrure blanche de lièvre. J’avais des collants beiges pis un
     manchon. Je me trouvais tellement jolie là-dedans. Je me rendais à la patinoire
     tous les jours après l’école. Pis là, en patinant le plus gracieusement
     possible, c’est madamePierre Rousseau que je traçais en lettres
     de glace…
    Jeanne-Ida serra l’épaule de Mathieu en signe de réconfort. Le jeune homme
     crispa la mâchoire et se dégagea brusquement.
    — Non, dit-il sourdement. On va pas abandonner !
    Il se tourna vers les autres passagers et parla bien fort :
    — Moi je dis que si tout le monde, on se met ensemble, on va la tasser cette
     neige-là.
    — On a rien que deux pelles qu’on se passe ! s’objecta le commis
     voyageur.
    Jeanne-Ida épaula Mathieu.
    — On peut prendre d’autre chose, je sais pas, moi…
    — J’ai mes chaudrons…, dit le cuisinier du chantier avec hésitation.
    — Pis moi, mes brosses, mais…
    — On a rien que nos mains pis nos pieds, mais on n’est pas manchotes, s’écria
     une des vieilles filles en se levant.
    — Mathieu a raison, tout le monde ensemble ! surenchérit Jeanne-Ida.
    Cette fois, seuls Mélanie et Pierre restèrent à l’intérieur. Déterminés,
     transportant un bric-à-brac d’objets insolites, hommes, femmes et vieillard,
     tous sortirent et se dirigèrent à l’avant de la locomotive. Avec leurs pelles
     improvisées, ils s’attaquèrent avec vigueur à l’amoncellement de neige qui
     formait une masse durcie. La tempête les aveuglait, repoussait leur chapeau,
     glaçait leurs doigts, mais ils continuaient. Hélas, il en retombait autant du
     ciel qu’ils en enlevaient… Comble de malchance, le commis voyageur se
     releva :
    — Je viens de casser une des deux pelles !
    La dernière pelle en état à la main, Mathieu redoubla d’ardeur, faisant fi des
     autres qui avaient perdu tout enthousiasme et qui, un à un, abandonnaient leur
     tentative. Formant un demi-cercle autour de Mathieu qui continuait à s’acharner,
     le petit groupe,malgré la tempête, resta tétanisé à regarder,
     impuissant, un pauvre gars désespéré qui refusait d’admettre la vérité.
    — Mathieu…, arrête, le supplia Jeanne-Ida.
    Il ne l’écouta pas. Au contraire, il frappa et frappa la neige foulée comme on
     roue de coups un adversaire dans un combat à mort. Ses mouvements n’avaient plus
     rien à voir avec ceux du pelletage.
    — Mathieu, arrête, répéta Jeanne-Ida.
    Voulant lui faire entendre raison, la jeune fille cria :
    — Y a rien à faire, arrête, arrête !
    Elle tenta de lui retirer la pelle. Il se débattit un moment avec la jeune
     fille avant de fracasser l’outil sur le métal de la locomotive.
    Hagard, épuisé, il se retourna vers le groupe.
    — On… on va le porter d’abord…
    — Mathieu…
    — On… on va faire un traîneau pis…
    — Mathieu…
    — On va le tirer...
    — Mathieu... chut, écoute !
    Jeanne-Ida se retourna. Elle venait de discerner un bruit de moteur qui ne
     venait pas de la locomotive. Elle plissa les yeux et essaya de discerner quelque
     chose. Un autre train ? Elle ne voyait rien. Puis, tout à coup, son visage
     s’éclaira. Surgissant du rideau blanc, le long de la voie ferrée, quatre snowmobiles, des sleighs attachés en arrière, venaient à leur
     rencontre. C’était toute une équipe de bûcherons qui redescendaient l’équipement
     d’un chantier. Ils avaient vu le train immobilisé et venaient prêter
     main-forte.
    Mathieu resta figé, n’osant croire à leur chance.
    Jeanne-Ida lui sauta dans les bras.
    — Mathieu, c’est vraiment le train des miracles !
    Mathieu la reçut et la serra longuement. Il ne chercha pas à
     dissimuler ses émotions et laissa ses larmes couler. Dans le wagon, Mélanie
     n’avait plus à feindre non plus. Elle pouvait sangloter : Pierre ne

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