Les porteuses d'espoir
ne s’appesantit pas sur le
sujet. Elle leur offrit un morceau de gâteau et un café. En s’installant autour
de la table, un homme entra en coup de vent.
— Ah ! Timmy, viens t’asseoir avec nous.
— C’est bon le gâteau. J’en veux un gros morceau, mère, un gros morceau s’il
vous plaît.
Élizabeth sourit à son fils.
— Il est tellement gourmand. Il passe son temps à vouloir manger. Vous allez
voir, il va se mettre le nez à la porte de votre cuisine en espérant recevoir
quelque chose. Cependant, je vous interdis de le nourrir.
Mélanie et Pierre avaient eu le même mouvement de répulsion en voyant l’homme
prendre place près d’eux. Leur hôtesse fit comme si de rien n’était. Elle coupa
deux autres parts de gâteau etdéposa les deux assiettes devant
le nouvel arrivant.
— Mon fils Timothy, mais tout le monde l’appelle Timmy… Timmy le fêlé.
— Bonjour, bonjour, répéta-t-il.
— Il parle souvent en double. Timmy a un ami invisible, vous allez vous
habituer.
La femme semblait parfaitement à l’aise.
Pierre ne pouvait s’empêcher de détailler le visage de Timmy. Ses traits
étaient grossiers, uniques. Il avait le visage rond comme la lune, les yeux
étirés en amande, un sourire aux dents croches qui ressemblait à une grimace de
clown. Ses cheveux bruns étaient indisciplinés. Il était difficile de donner un
âge à l’homme.
— C’est un mongol, dit miss Harrington. Il est né comme cela. Et il vient
d’avoir trente ans.
— Excusez-nous, dit Pierre, je…
— Prenez-vous de la crème dans votre café ?
Elle continua à parler de choses et d’autres. Elle promit de demander à un
autre voisin de venir aider Pierre à inspecter le bateau et à le remettre en
état. Il lui enseignerait quelques rudiments de manœuvres en même temps.
Pendant que Pierre, grimpé sur une échelle, calfeutrait la coque, Mélanie
passait ses journées à chercher des agates sur la plage. Pierre se lia
d’affection avec les pêcheurs du coin. Les anciens se souvenaient de Patrick O’
Connor. On avait la mémoire longue dans ce coin de pays. Timmy le fêlé devint
comme son ombre. Il le suivait partout. Mélanie et lui s’étaient habitués à la
singularité de Timothy. Enfin, le bateau fut prêt à reprendre la mer. On le
transporta au quai du village. Après quelques heures à apprendre à le manœuvrer
et à écouter les conseils sur les caprices de la mer, Pierre se sentit d’attaque
pour mener seul La Joséphine . Son expérience de marin l’avait aidé. De la
rive, Mélanie et miss Harrington assistèrent à son premier exploit. Timmy avait
sautéavec lui dans le bateau. Pierre n’avait rien dit. Même que
la présence de l’homme le rassurait. Si Timmy lui faisait confiance, cela devait
vouloir dire qu’il pouvait se débrouiller. Concentré, il sortit de l’anse
prudemment et se dirigea vers le large. Tout allait bien. Il prit de
l’assurance.
— Alors, Timmy, comment je me débrouille ?
Assis en face de lui, le trisomique s’adressa à son ami imaginaire.
— Tu vois qu’il se débrouille bien, le rouquin ! Il a du O’Connor dans le
nez !
Pierre avait cessé de tenter d’expliquer qu’il n’avait aucune parenté avec son
ancien patron du Patro . Dans la tête de ces gens, le fait qu’ils aient
tous les deux les cheveux roux et que La Joséphine ait été transmise à
Pierre suffisait à faire un plus un égale deux. Les gens pouvaient penser ce
qu’ils voulaient. Ici, au bout du monde, le temps s’écoulait autrement, la
lumière du jour n’était plus la même. D’un commun accord, Mélanie et Pierre
avaient décidé d’étirer leur lune de miel d’une autre semaine, et d’une autre…
Mélanie avait appris à faire cuire le homard et quelques soirs, ils avaient
festoyé en compagnie de miss Harrington et Timmy. Timmy était tout au service de
Mélanie. Il la louangeait et disait à son ami invisible de bien surveiller « la
jolie petite madame », comme il l’appelait. Mais toute bonne chose a une fin.
Ils devaient se résigner à repartir. Mais Mélanie rêvait de voir les baleines
avant. Et maintenant que c’était fait, le couple sortait probablement pour la
dernière fois sur La Joséphine . Pierre essaierait de trouver un acheteur
pour le bateau et la maison.
— Je vais essayer de m’approcher le plus possible des
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