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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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était facile de
     comprendre que le choc de la mort du frère Martial, sa mise en terre, la
     culpabilité d’avoir causé l’accident, aient fait chavirer et remonter dans
     l’esprit de ce moine une douleur insupportable. Après plusieurs mois de
     convalescence, Jean-Marie se remit sur pied. Mais il n’avait plus aucun goût
     pour le travail, la prière ou la vie monastique. Le supérieur lui offrit le
     choix. Rester au monastère ou reprendre la vie civile. Il lui expliqua que la
     tragédie vécue qui l’avait mené à la trappe était si particulière que ses vœux
     pouvaient être défaits. Il avait eu la permission extraordinaire de la
     trappe-mère de rendre la liberté à Jean-Marie. Le moine avait suivi la volonté
     de frère Martial. Au début, il n’avait su où aller. Il avait envoyé une courte
     missive à sa tante Julianna. Son idée avait été de rejoindre Pierre. Mais sa
     tante lui répondit que son cousin était désormais établi en Gaspésie. Jean-Marie
     s’était donc trouvé du travail à Mistassini, sur une ferme. Mais il ne fit pas
     l’affaire. Il reprit son bagage et repartit. Il sillonna ainsi plusieurs
     villages, occupant divers emplois. Jamais il ne pensa aller voir son père. Pour
     lui, ce dernier était enterré dans une fosse creusée par des moines. Au fil de
     son pèlerinage, sa force et son estime de soi revinrent. Il avait fait une
     descente au plus profond de son âme et il en était remonté changé. Il se sentait
     solide, maître de sadestinée. Il ne pouvait défaire le passé,
     mais il pouvait, dès à présent, se construire un avenir. Il sourit. Après un
     petit somme, il reprendrait la route qui le menait à Normandin. Il en avait pour
     une bonne semaine. Il espérait y revoir Mathieu. Mais ce n’était pas la présence
     de son cousin qui le menait à ce village. C’était une lettre de recommandation
     de son dernier employeur qu’il gardait précieusement dans son portefeuille. Ce
     dernier avait dit à Jean-Marie que la ferme expérimentale de Normandin se
     cherchait un employé. Avec la formation avant-gardiste acquise chez les
     trappistes, il était le candidat rêvé. Jean-Marie était déterminé à le
     prouver.

    — Tu te souviens de mon cousin qui était un trappiste ? demanda Mathieu.
    — Celui qu’on avait vu après le mariage de Mélanie ?
    — Oui.
    — Celui qui a défroqué ?
    — Oui, s’impatienta Mathieu.
    — J’m’en rappelle pas.
    — Jeanne-Ida, arrête de me faire niaiser.
    — Ben parle, qu’on accouche. Qu’est-ce qu’il a, ton cousin ?
    Le couple se dépêchait. Ils allaient être en retard au spectacle de
     musique.
    — Il s’en vient. Ça se peut qu’il ait une job à la ferme expérimentale.
    — C’est tout ?
    — Mais oui, dit Mathieu.
    — C’est pas la nouvelle du siècle.
    Mathieu se rembrunit. Décidément, Jeanne-Ida était de moins en moins commode.
     Ils se fréquentaient depuis des années. Plus àtitre d’amis
     qu’autre chose. Jamais leur relation n’avait débouché sur un projet plus
     sérieux. Mathieu y pensait, mais à chaque fois qu’il soulevait la question,
     Jeanne-Ida le rabrouait.
    — Je suis pas prête pour le mariage, disait-elle, et il y a mes études.
    Jeanne-Ida était complexe. Elle avait décidé, peu après la décision de Pierre
     et Mélanie de rester en Gaspésie, de retourner à l’école pour devenir
     garde-malade. Elle avait passé trois longues années, à Chicoutimi, à apprendre
     le métier d’infirmière. Elle avait reçu sa coiffe l’automne précédent et était
     revenue à Normandin avec une belle photographie d’elle posant fièrement pour sa
     graduation. C’était tout ce qu’elle avait fait de ce diplôme. Mathieu, qui se
     plaisait au village, avait gardé son emploi au magasin de la tante Édith. Il
     avait consacré ses loisirs à écrire et écrire. Il avait rempli des cahiers de
     poésie, raturant, recommençant, brûlant la majorité de ses œuvres. Il n’arrivait
     pas à trouver son essence, la clé de son propre cœur… Mais il ne s’en faisait
     pas trop. Il se sentait bien. Quelques filles du coin lui faisaient des yeux
     doux, mais il se retranchait derrière la promesse qu’il s’était faite d’attendre
     le retour de Jeanne-Ida. La nouvelle infirmière s’était installée chez sa tante
     Langevin et aidait la mère de Mélanie à la maison, promettant de bientôt se
     trouver du travail. Mais

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