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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Elle éclata en sanglots en avouant la
     triste réalité, dans un cri déchirant. Elle aurait voulu s’y prendre de la pire
     façon, c’eût été de cette manière. Elle n’arriverait jamais à être une adulte,
     même à cinquante-deux ans !
    C’est Hélène qui la consola, trouvant la force de surmonter son immense chagrin
     pour amoindrir celui de sa tante.

    Mathieu termina son travail au magasin de la tante Édith. En soupirant, il
     vérifia une nouvelle fois l’ordre sur les tablettes et alla retourner l’écriteau
     ouvert. Il fit minutieusement le compte de sa caisse enregistreuse, mais dut s’y
     reprendre à deux fois. Il était préoccupé par Jeanne-Ida. Leur dernière sortie,
     samedi dernier, à l’hôtel Bal Moral, avait été désastreuse. Un groupe de musique
     y offrait une prestation. Ils étaient arrivés en retard et Jeanne-Ida avait mis
     cela sur sa faute. Elle n’avait pu être assise en avant comme elle l’avait
     désiré. Il lui avait répondu que le groupe était à l’affiche plusieurs semaines,
     qu’ils se reprendraient. Il avait été prévenant envers la jeune femme, il lui
     avançait sa chaise, allait lui chercher une consommation, la faisait danser.
     Elle le traitait comme un valet. Il avait voulu lui faire lire son dernier
     poème, mais elle l’avait ridiculisé en lui disant que c’était si démodé… qu’elle
     était ici pour s’amuser, pas pour s’endormir avec ses platitudes. Elle passait
     son temps à lancer des œillades au chanteur du groupe qu’elle trouvait beau
     comme un dieu, se pâmait-elle. Mathieu n’avait pas été jaloux. Personne ne
     pouvait rester indifférent devant ce jeune homme au charisme incroyable. Mathieu
     lui-même avait de la difficulté à détacher son regard de la moue enfantine qu’il
     avait en chantant : Si tes yeux sont aussi bleus, que ta bouche est aussi
     douce…
    Mathieu referma à clé le tiroir-caisse. Il n’avait pas
     d’expérience avec les filles. Il se dit que peut-être Jeanne-Ida lui en voulait
     parce qu’il tardait trop à la demander en mariage. Bon alors, voilà, il était
     temps. Il verrouilla le magasin et se rendit chez lui bien déterminé à passer
     aux actes.

    Un bouquet de fleurs dans les mains, le chapeau bien rond, la cravate
     impeccable, le veston boutonné malgré la chaleur de ce samedi soir d’août, il se
     sentait ridicule. Il garda l’attitude la plus digne possible et continua son
     chemin. Ses chaussures vernies, qu’il avait polies jusqu’à risquer de passer au
     travers du cuir, martelaient le trottoir et semblaient attirer sur lui toute
     l’attention du voisinage. Il obliqua vers la droite et prit une rue qu’il
     remonta pendant encore plusieurs maisons. La sueur mouillait ses emmanchures. Il
     s’était imbibé d’eau après-rasage et le mélange des deux odeurs exhalait un
     nouveau parfum douteux. Le col empesé de sa chemise blanche lui irritait la
     nuque, là où ses cheveux avaient été soigneusement rasés. Il atteignit son
     objectif. Déglutissant, il puisa le peu de courage qui lui restait et alla
     frapper à la porte. Celle qu’il avait choisie lui ouvrit et le regarda en
     silence. La voix manqua à l’homme. Il toussa un peu. Tendant les fleurs à sa
     destinataire, il bégaya presque indistinctement :
    — Voudriez-vous devenir ma femme ?
    Incertaine d’avoir bien compris, elle ne répondit pas. Le soupirant se racla la
     gorge et, haussant le ton, se reprit :
    — Mademoiselle Henriette, voulez-vous devenir madame Georges Gagné ?

    Ils retournèrent au Bal Moral. Jeanne-Ida semblait d’humeur
     plus joyeuse. Cette fois, ils purent s’asseoir à l’avant. Mathieu éleva la voix
     pour se faire entendre et dit à sa compagne :
    — Jeanne-Ida, je… je pense que… je voudrais te dire quelque chose
     d’important…
    Au-dessus de son verre, la jeune femme sourit d’un drôle d’air. Elle se pencha
     et lui dit à l’oreille :
    — Embrasse-moi avant…
    — Ici, devant tout le monde, tu es folle !
    — Tu m’as jamais embrassée.
    — C’est pas vrai.
    — Comme un homme, je veux dire.
    — Ben… je… je te respecte, Jeanne-Ida.
    — Viens, décréta-t-elle.
    — Où ?
    — Pose pas de questions, pis suis-moi.
    Elle l’entraîna à l’extérieur de la salle. Le prenant par la main, elle
     l’emmena vers l’arrière de l’hôtel. Une faible lumière éclairait une volée de
     marches menant à

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