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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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ce qu’on faisait pour elle et le
     démontrait. Elle s’était dégênée et partageait ses petits bonheurs de la journée
     avec Julianna. Elle terminait ses études supérieures afin d’enseigner. Ce métier
     de maîtresse d’école lui irait comme un gant. Elle semblait timide, mais avait
     assez d’aplomb pour tenir tête à des enfants turbulents.
    — Matante, j’aimerais vous parler de quelque chose.
    Julianna prit sur elle et affermit sa voix.
    — Moi aussi, ma chérie.
    — Ça va pas, matante ? s’inquiéta Hélène.
    — Vas-y, nous parlerons après. Je vais boire mon café.
    — Les vacances d’été achèvent. J’ai bien réfléchi… J’aimerais ça devenir
     institutrice.
    — C’est pas pour ça que tu étudies ? dit Julianna, ne comprenant pas.
    Elle avait mal à la tête. L’envie de pleurer la tenaillait.
    — Pas n’importe quelle institutrice… Je veux enseigner aux enfants sourds comme
     je l’ai vu faire à Léo à l’école de Montréal.
    En tremblant, Julianna porta sa tasse à ses lèvres. Elle avait de la difficulté
     à se contenir. Comment annonce-t-on la mort d’un être cher ?
    La jeune fille reprit, avec enthousiasme.
    — À force de visiter Léo à Montréal, j’ai appris le langage des signes. Ça m’a
     toujours passionnée. Je me pratiquais avec Léo.
    C’est vrai qu’Hélène avait un don. Dès qu’elle se mettait à gesticuler en
     conversant avec Léo, son visage irradiait. Léo travaillait comme cordonnier, à
     Jonquière, et avait son propre appartement, modifié pour son handicap. Ce
     n’était pas croyable. Il courtisait même une jeune fille sourde-muette comme
     lui.
    — J’ai commencé à montrer à Chapeau, pis il apprend vite !
    Au cours d’une journée passée au chalet d’Henry, Chapeau avait réapparu, comme
     par magie. La réserve de Pointe-Bleue était collée sur le chalet. Il n’était pas
     rare qu’une mère amérindienne et ses petits ou juste des enfants débouchent du
     petit sentier dans le bois et viennent se baigner en avant du chalet, là où la
     plage était la plus belle. Henry pestait qu’ils n’avaient aucun sens de la
     propriété. Isabelle fatiguait, surveillant ses deux petites filles comme la
     prunelle de ses yeux. Une fois, Chapeau était avec elles. Isabelle gesticulait
     et criait, tenant un linge dans les mains, comme si elle avait voulu chasser une
     bête :
    — Va-t’en, c’est pas chez vous icitte, va-t’en !
    Chapeau était resté à sourire jusqu’à ce que Julianna, affairée à l’intérieur
     du chalet, en ressorte et le reconnaisse. Hélène avait à son tour adopté Chapeau
     comme avaient fait tous les autres. Ils s’assoyaient sur une bûche à l’orée de
     la forêt et Chapeau apprenait les signes.
    — Matante, vous m’écoutez pas !
    — Mais si, dit Julianna en revenant sur terre.
    Un instant, cela lui avait fait du bien de s’évader et d’oublier la mort de
     Marie-Ange, un instant, juste un instant…
    — Assis-toi, Hélène, dit-elle.
    — Chapeau sait maintenant tout son alphabet, continua Hélène en se tirant une
     chaise. Vraiment, il est très intelligent. J’ai pensé lui dessiner des objets
     avec la lettre qui va avec. J’ai un carton Soleil, un pour lune, pomme, patate…
     Bientôt, il va pouvoir parler avec nous autres, enfin… par signes. C’est plus
     long parce que je lui montre les deux méthodes en même temps, les signes pis
     lire sur les lèvres. Y a une grosse chicane sur les deux façons. Y en a qui
     refusent le langage signé, pourtant moi je pense que c’est comme si vous pis
     moi, on apprenait à parler l’italien ou le russe ou le chinois. Pourquoi les
     forcer à parler le français ? Pourquoi que ce serait pas nous autres qui
     apprendrait leur langue ? Imaginez-vous, ma tante, si tout le monde on parlait
     français, les signes pis anglais !
    — Chapeau n’est pas sourd, seulement muet, Hélène, dit Julianna d’un ton
     monocorde.
    Dans sa tête, elle cherchait la meilleure formule pour annoncer la triste
     nouvelle.
    — En tout cas, c’est ça que je veux devenir. En revenant à Montréal, il va
     falloir que j’aille à l’ancienne école de Léo voir comment faire. Je suis
     certaine que ma marraine va être contente ! Elle me disait tout le temps qu’elle
     me trouvait pas mal bonnequand je parlais en signes. Je vais
     aller lui écrire tout de suite !
    Julianna la regarda, les yeux ronds.

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