Les porteuses d'espoir
de la maison dans l’espoir qu’elle
s’ouvre sur ses parents. Elle n’avait pas été longue à comprendre que la
sécurité et l’attachement quilui manquaient tant, elle pouvait
en trouver une partie chez sa tante Langevin, surtout avec sa cousine Mélanie
qui l’entourait de son amitié. Hier soir, avec Mathieu, elle risquait d’avoir
perdu un de ses derniers piliers. Elle avait été trop loin, elle le savait.
Mathieu était tout ce qui lui restait. Elle ne pouvait le perdre aussi. À
l’école d’infirmière, elle avait essayé de retrouver un certain contrôle sur sa
vie. Elle sortait quelquefois avec des amies étudiantes et avait laissé
plusieurs fois des garçons l’embrasser et flirter avec elle. Mais elle avait
besoin de revenir à Normandin, retrouver la maison de sa tante, Mathieu et ses
poèmes ridicules. Combien de fois était-elle passée à un cheveu d’abandonner ses
études ? C’était un miracle qu’elle ait été diplômée. Elle avait triché à
plusieurs examens. Jamais elle ne pourrait être infirmière. La panique la
gagnait rien qu’à la pensée d’avoir à s’occuper d’un malade. Elle avait
graduellement oublié tout l’enseignement reçu. Elle était certaine que Mathieu
avait voulu la demander en mariage, la veille. Elle avait été imbécile de se
fermer cette porte de sortie. La vie avec Mathieu, frisson ou pas, grand amour
ou pas, serait toujours moins pire que de travailler dans un hôpital ! Elle
s’était levée tôt et avait pris grand soin de sa beauté en se préparant pour la
messe. À l’église, elle avait été étonnée de ne pas apercevoir Mathieu.
Peut-être était-il malade ? Elle avait surveillé les retardataires tout le long
de la célébration. Quand leur curé eut enfin terminé de les sermonner sur le
danger de la danse, de la fréquentation de lieux de débauche comme le Bal Moral
et du maquillage de certaines jeunes filles, et qu’il eût daigné leur offrir le
corps du Christ, ainsi soit-il, elle avait presque couru jusqu’à l’appartement
que Mathieu louait en haut du magasin. Elle tenait son chapeau à voilette d’une
main gantée et de l’autre, son sac à main assorti. Un peu essoufflée, elle
frappa à la porte et attendit d’un air digne. Elle ne pouvait pas entrer dans le
logement. Cela n’eût pas été convenable. Surtout que déjà, les paroissiens quirevenaient de l’église la dévisageaient et murmuraient sur
son passage. Elle se retint pour ne pas leur faire une grimace. Tout ces
qu’en-dira-t-on lui tapaient tant sur les nerfs. Au moins, son titre
d’infirmière la mettait un peu à l’abri. Elle était devenue respectable. On ne
la mettrait pas dans le même panier que celles que leur curé leur avait demandé
d’avoir à l’œil, malgré qu’elle ait osé ne pas mettre de bas dans ses souliers,
se peindre les lèvres de rouge, se déhancher en mouvements indignes sur des
danses défendues, fumer la cigarette et prendre la main de Mathieu en public.
Jeanne-Ida frappa de nouveau. Mettant ses mains en visière, elle regarda par le
carreau de la fenêtre. Il semblait n’y avoir personne. Elle remarqua au milieu
de la table une enveloppe placée bien en évidence, coincée sous le sucrier,
portant son nom écrit en grosses lettres. Sans plus se soucier des ragots, elle
entra. Au village, personne ne fermait sa porte à clé. Elle prit la lettre et la
mit dans son sac à main. Elle continua son chemin en direction de la ferme de sa
tante. Elle monta rapidement à sa chambre, retira son chapeau et ses gants et
prit connaissance du contenu. Il était parti. Mathieu l’avait laissée tomber,
comme une guenille.
Rageusement, elle déchira la lettre, ne prenant même pas la peine de lire le
poème qui accompagnait la note d’adieu.
Laura sillonna pour la deuxième fois la même étroite ruelle d’un quartier
minable de Paris. La religieuse n’en menait pas large. Elle relut pour la
dixième fois au moins le papier sur lequel elle avait noté l’adresse de sa sœur.
Elle avait eu la permission de se déplacer seule. Depuis que sa mère lui avait
mentionné qu’Yvette l’inquiétait, Laura n’avait qu’un désir : aller se rendre
compte du bonheur de sa sœur. Malgré toute sa foi et sa volonté d’œuvrer en
Afrique, rien ne lui enlevait cette obsession de la tête. Juste voir Yvette,après, elle se
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