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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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as un fils, Yvette !
    — Non, j’suis pas mariée, bon ! C’est ça que tu veux savoir ! Tu le sais,
     maintenant va-t’en.
    — Yvette, pour l’amour, essaye de comprendre le choc. Notre mère…
    — Maman a pas d’affaire à être au courant. Fais comme si tu ne m’avais jamais
     vue.
    — Vivre dans le mensonge, dans le péché... dans ce… taudis.
    Yvette écrasa rageusement son mégot dans le cendrier et alla se servir à
     boire.
    — Tu fumes, tu bois ! Yvette, qu’est-ce qui s’est passé ?
    — Il ne s’est rien passé, rien. Rien qu’une fille… comme toi peut
     comprendre.
    — C’est pas parce que j’ai choisi d’entrer en religion que je comprends rien.
     J’en ai vu, des horreurs, Yvette, de la pauvreté, des gens affamés,
     désespérés…
    D’une voix douce, Laura continua.
    — Parle-moi, je veux t’aider…
    — La dernière chose que j’ai besoin, c’est de me confesser ou de me faire
     juger. Va-t’en.
    Laura s’avança vers sa sœur.
    — Tu peux pas me demander de partir pis de te laisser de même !
    — Je te le demande pas, je te mets dehors. Va prendre soin de tes pauvres. Va
     prier pour mon âme.
    — Yvette, c’est moi, Laura… Parle-moi.
    — T’es pas Laura… comme je suis plus Yvette.
    — T’as pas compris… En-dessous de ma coiffe pis de ma robe, c’est encore le
     cœur de ta petite sœur qui bat, Yvette.
    — Va-t’en…
    — Je suis encore ta Lolo...
    Les larmes brillèrent dans les yeux de la jeune religieuse.
    Lentement, Laura commença à retirer ses vêtements de religieuse.
    — Qu’est-ce que tu fais ? demanda Yvette. Arrête !
    Laura continua. Elle retira sa coiffe, dévoilant ses cheveux rasés. Elle
     supplia Yvette du regard en murmurant :
    — Si ma vocation est une barrière entre nous deux, je suis prête à me
     sacrifier…
    — Laura, arrête…
    Elle défit sa ceinture, retira sa robe.
    — Tu es folle, Laura, arrête, arrête ! cria Yvette.
    En tunique de coton, Laura continua.
    — Tu m’as déjà dit que voile ou pas, je serais toujours ta petite sœur…
    Elle retira ses souliers et ses bas.
    — Si tu veux, je peux fumer aussi pis boire, tout ce que tu voudras, Yvette,
     mais parle-moi… Je veux pas te laisser de même, je peux pas…
    Aux cris de sa mère, le petit garçon était sorti de la chambre, inquiet.
    — Qu’est-ce qu’elle fait, la madame, pourquoi elle a plus de cheveux ?
    Laura attendit en tremblant. Yvette la revit, toute petite, en
     haut des escaliers, vêtue d’une robe de leur mère, vouloir être un ange. Yvette
     porta son regard vers son fils. Elle courba le dos. D’une voix basse, Yvette
     rassura son petit garçon.
    — Jean, voici ta tante Laura. Tu vas retourner dans la chambre et tu vas jouer
     tranquille sans plus nous déranger. Tu sais quoi ? Tu vas apporter avec toi le
     sac de croissants et tu as le droit de manger tout ce qui reste. Mais tu nous
     déranges pas. Ta tante et moi, il faut qu’on parle.
    Yvette reprit une cigarette. Après seulement une bouffée, elle l’écrasa dans le
     cendrier.
    — J’aime même pas ça, expliqua-t-elle.
    — Pourquoi tu fumes d’abord ? demanda Laura en se rhabillant.
    — Ça enlève la faim.
    — Quoi ?
    — Y en n’a pas toujours assez pour le petit et moi, alors…
    — Mais…
    — C’est bon pour la ligne.
    — Raconte depuis le début, Yvette, depuis que t’es partie.
    — Tu aimes les films tristes ?
    — Je suis jamais allée au cinéma.
    — Écoute ma vie et c’est comme si tu y étais.

    En sortant de la salle de cinéma, Hélène baissa la tête pour se protéger de
     l’éclat du soleil de midi et surtout afin de dissimuler ses yeux rougis et
     gonflés. La pénombre de la salle lui avait permis de pleurer Marie-Ange, sans
     témoins. C’était le seul endroit qui lui était venu à l’esprit quand elle avait
     eu besoin de laisser éclater sa peine. Elle était le bébé rescapé, l’enfant de
     la gratitude, la fille qu’on élève par charité... la nièce qu’on héberge par
     nécessité. Enayant été sauvée des flammes, elle avait perdu le
     droit d’exiger quoi que ce soit d’autre de la vie. Elle devait consacrer le
     reste de ses jours à dire merci d’avoir bénéficié d’un miracle. Non, elle
     n’avait pas le droit de demander une épaule sur laquelle poser sa tête. Le cœur
     gros, Hélène n’avait pas envie de rentrer tout de suite. Retrouver sa

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