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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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s’accrocher, de quelle terre se nourrir ? François-Xavier reporta son attention
     sur Georges. Silencieux, son beau-frère restait assis, un peu voûté, terminant
     sa tasse de café. Cet arbre-là avait été ébranché, sauvagement, cruellement
     émondé. Il ne restait au pauvre tronc que trois branches, dont deux tenaient de
     peine et de misère. Une seule, la dernière, toute petite encore, essayait de
     pousser. Pauvre Georges, de ses fils survivants, l’un était devenu moine
     trappiste et se murait dans le travail et le silence de la vie monastique, et
     l’autre était rendu en Italie à combattre. Quant à la petite Hélène, il ne
     l’avait jamais revue. Georges se contentait de recevoir les nouvelles de
     Marie-Ange qui élevait cette filleule, seule à Montréal. À nouveau,
     François-Xavier décida de faire un effort et d’essayer de garder un semblant de
     civilité envers son beau-frère. C’était la moindre des choses. Pourtant, comme
     il aurait aimé lui dire :
    « Viens, oublions toutes ces années de malheur, partons à l’aventure comme tu
     en rêvais petit. Descendons à la taverne de Jonquière, allons faire les quatre
     cents coups. »
    Il se racla la gorge, prit un air dégagé et s’adressa à son ami.
    — Pis Ti-Georges, la job à l’Alcan, ça va comme tu veux ?
    — Avec la guerre, c’est pas l’ouvrage qui manque.
    Le silence revint. François-Xavier essaya à nouveau.
    — Monsieur Dallaire va venir réveillonner avec nous. Depuis la mort de sa
     femme, le pauvre homme est ben dépourvu.
    Georges le regarda d’un air glacial.
    Quel imbécile il était de rappeler le veuvage de son beau-frère ! se dit
     François-Xavier en regrettant ses paroles. Il n’avait pas pensé plus loin que le
     bout de son nez.
    Plutôt que de dire des âneries, pourquoi n’avait-il pas le courage de dire à
     Georges à quel point son amitié lui manquait ? Les mots lui brûlaient la
     gorge.
    « T’en souviens-tu, Ti-Georges, on montait dans notre petite barque, et on
     voguait sur le lac Saint-Jean en rêvant d’un avenir brillant. Tu voulais qu’on
     s’en aille, qu’on explore le monde, sans attache, sans bagage... Viens
     Ti-Georges, y est pas trop tard pour se décider. On va partir à la recherche
     d’un trésor. »
    — Georges ? l’interpella doucement François-Xavier.
    Le frère de sa femme le regarda pensivement.
    François-Xavier abandonna.
    — Rien… Juste… Joyeux Noël.

    Henry se demanda si Georges avait reçu le télégramme annonçant le décès de son
     fils Elzéar. Il regarda le journaliste. C’est vrai qu’Elzéar était mort avec le
     sourire. Henry avait échoué. Il n’avait pas su protéger le neveu de Julianna. Le
     jeune homme passait son temps à défier la mort. On aurait même dit qu’il la
     taquinait. Il sifflotait et affichait une attitude désinvolte. Henry n’aimait
     pas cette frivolité. Un soir, il avait pris Elzéar à part et lui avait fait la
     morale, l’avertissant que la guerre n’était pas un jeu. Ils étaient sur un des
     bateaux qui menaient les troupes entraînées en Angleterre pour aller combattre
     en Italie. La traversée allait être longue. Ilsvenaient de faire
     escale à Gibraltar. Elzéar donnait l’impression de faire une croisière
     d’agrément. Il grimpait sur les balustrades, s’accrochait par les pieds et se
     penchait dangereusement vers les flots bouillonnants. Il courait dans les
     coursives et se laissait glisser le long des rampes des escaliers. Il fallait
     constamment le rappeler à l’ordre. Ce jour-là, une jeune recrue était morte. La
     plupart des soldats s’étaient fait raser les cheveux en prévision de leur
     prochain débarquement sur les côtes de la Sicile. Un imprudent avait souffert
     d’une insolation et en était décédé. On avait procédé à une cérémonie sur le
     pont. Henry se tenait aux côtés d’Elzéar, suivant des yeux le corps, entouré
     d’un drapeau du Red Ensign , se faire glisser par-dessus bord, les pieds
     lestés, au fond de l’océan. Attristé par ce départ si bête, Henry se détourna
     des soldats en recueillement et chercha à offrir un peu de réconfort à Elzéar.
     Mais celui-ci affichait un grand sourire et son crâne nu chauffait au soleil.
     Henry eut froid dans le dos. Seulement plus tard dans la soirée avait-il trouvé
     le courage d’aborder le sujet avec Elzéar. Le soldat expliqua sa belle humeur du
     matin en

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