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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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sentit le regard
     rempli de pitié de son public. Elle sonnait comme un chat frigorifié qui n’avait
     plus la force de miauler pour quémander sa pitance. Julianna eut un mouvement
     d’impatience et l’accord résonna durement. Yvette se tut. La situation était si
     gênante ! Sentir la déception de tous… Au lieu de s’enfuir, sans savoir
     pourquoi, Yvette n’eut qu’une envie, celle de leur montrer de quoi elle étaitcapable ! Elle redressa le buste, s’ancra solidement au sol,
     bloqua sa respiration, ferma les yeux et... chanta divinement, d’une voix forte
     et assurée, sans hésitation. Elle termina avec grandiloquence, les bras levés au
     ciel, en tenant la note bien après que celle de la touche d’ivoire eut terminé
     de résonner. Elle attendit une réaction. On la fixait, bouche bée. Elle
     questionna sa mère des yeux, cherchant son approbation, désirant que celle-ci
     lui confirme que c’était bien de l’admiration qu’elle discernait dans le regard
     de son père, son oncle, son frère, sa sœur et même monsieur Dallaire. Pour toute
     réponse, sa mère referma doucement le clavier, se leva de son banc et avec un
     geste empreint de respect, se mit à applaudir sa fille. Les autres suivirent son
     exemple. Georges retrouva sa voix et félicita sa nièce. François-Xavier était
     estomaqué. Il venait de revoir Julianna en plus magnifique encore. Yvette rougit
     un peu et avec grâce fit la révérence en guise de salut. Elle ne serait jamais
     infirmière. Elle deviendrait une vedette. Yvette Rousseau, oh, non ! pas
     question, cela prenait un nom d’affiche. Yva, oui, Yva Roux ! Dès que la guerre
     serait finie, elle partirait faire carrière à Montréal. Joyeux Noël, Yva
     Roux !
    ----
    1   http://archives.radio-canada.ca/emissions/479-2898/

Printemps 1944

    A
u chantier, l’effervescence des bûcherons était à son
     comble. Ils rentraient chez eux. Après de si longs mois, revoir leur femme, leur
     famille, pour certains en découvrir les nouveaux membres ! En ce jour de départ,
     les hommes débordaient de joie. Ils se bousculaient, fanfaronnaient, blaguaient
     à la ronde.
    — Hé, Le Pissou ! oublie pas de t’arrêter chez le barbier ! Ta femme voudra pas
     te laisser rentrer dans le lit comme l’année dernière !
    Juché sur un des derniers chargements de bois, le bûcheron, bien campé sur ses
     jambes écartées sur les billots d’arbres, tenant solidement les rênes dans les
     mains, donna le signal de départ du convoi. Les chevaux renâclèrent devant la
     lourde charge à traîner sur la neige. Derrière, un traîneau avait troqué son
     habituelle empilade de troncs d’arbres pour une joyeuse mêlée de bûcherons, qui
     chahutaient afin de se réserver la meilleure place, celle dos au vent, bien à
     l’abri derrière le conducteur. Que les hommes avaient hâte d’être en ville ! La
     plupart y laisseraient toute la paye de cet hiver autour d’une table de taverne.
     Certains, plus sages, en rapporteraient chaque sou à leur famille. Suivait le snowmobile , qui trimbalait à la chaleur de son poêle à bois le
     contremaître, le cuisinier, la femme de celui-ci et quelques autres bûcherons
     plus âgés, bien serrés dans l’habitacle à moteur. L’engin, monté sur des
     chenilles, gronda en tournant le dos au chantier qui avait cesséson exploitation hivernale. Par le hublot, le contremaître jeta un œil au
     campement abandonné. Il n’avait pas l’habitude d’y laisser des hommes derrière
     lui. Mais, en ces années de guerre, quelques-uns de ses employés se voyaient
     forcés de rester cachés. D’un petit geste de la main, il salua les trois hommes
     restés devant la porte du bâtiment. Il était un contremaître apprécié des
     hommes. Il avait fait son possible afin de trouver du travail pour ces pauvres
     gars qui ne pouvaient rentrer chez eux. Il ne lui restait plus qu’à prier pour
     que cette guerre se termine.
    Pierre et ses deux compagnons répondirent d’un signe de la main au salut de
     leur chef. Leur patron avait été bon. Grâce à lui, ils avaient été engagés chez
     deux fermiers de Normandin. Le village était à quelques heures de marche au sud
     du campement. Pierre participerait aux travaux de la ferme chez un certain
     monsieur Langevin. Son ami Roger se retrouva à la ferme voisine, chez un
     Gauthier dont les fils étaient partis à la guerre. Au grand désappointement de
     Roger, son

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