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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Gauthier. J’ai entendu dire que les Military Police pensaient monter dans
     le bout voir à ce qu’il y en aurait pas un ou deux qui se terreraient sur une
     ferme.
    Pierre voulut intervenir. Tout le monde se doutait bien que les trois bûcherons
     engagés ce printemps fuyaient l’armée. C’était un secret de Polichinelle. La
     police militaire était aux aguets et patrouillait de plus en plus assidûment ces
     derniers temps. La GRC avait abattu un pauvre conscrit déserteur au mois de mai
     dernier. La menace du danger était sérieuse. Monsieur Langevin se leva.
    — Que des hommes décident de pas aller à la guerre, c’est leur choix. Il faut
     pas mettre nos familles en danger pour protéger ces gars, par exemple.
    Pierre blêmit. Les villageois voulaient les chasser.
    Le fermier continua sur sa lancée.
    — Si les MP mettaient la main au collet, disons, de juste un déserteur, qui
     ferait pas de peine à personne s’il se retrouvait en prison, y me semble que
     personne serait contre. Vous m’avez compris ? Juste un déserteur, un ben gros
     déserteur...
    Des murmures s’élevèrent. L’idée faisait son chemin parmi les personnes
     rassemblées dans la cuisine : « Oui, ça a ben du bon sens ; ben de l’allure ;
     les MP attrapent Gros Jambon ; ça règle tout ; maudite bonne idée... »
    Paul Langevin émit une objection :
    — Un pas de cœur de gros lard qui se fait prendre pis qu’y a plus rien à
     perdre, il risque de dénoncer tous les autres comme lui.
    — Pis ça, on voudrait pas que ça arrive à deux bons petits gars travaillants
     comme certains qu’on connaît… fit remarquer monsieur Gauthier.
    — Si on est ben organisé, y en a qui auront eu le temps de disparaître dans la
     nature, rassura la tante Édith.
    Un plan pour dénoncer Gros Jambon… L’excitation monta dans la cuisine. C’était
     exactement ce qu’il fallait pour se faire justice. Mal à l’aise, Roger se
     leva.
    — Je vas sacrer le camp à soir, moé.
    — Assieds-toé mon petit gars. Si tu disparais trop de bonne heure, le gros
     pourrait se douter de quelque chose. Il faut ben penser à notre affaire, dit son
     employeur.
    Resservant à boire aux hommes, madame Langevin soupira :
    — Pis les fêtes du cinquantième qui arrivent.
    Le 11 octobre prochain, le village donnerait le coup d’envoi de ces
     réjouissances. Ils n’entendaient plus parler que de cet événement. Les
     villageois préparaient des chars allégoriques et des décorations pour
     l’extérieur de leurs maisons.
    — Ben oui, les festivités, j’y avais plus pensé ! s’exclamamonsieur Gauthier. Raison de plus pour attendre. Le couvert du cinquantième va
     être parfait ! Jamais le gros va se douter que les autres sont partis. Il va
     penser qu’ils sont dans la fête.
    Pierre se décida.
    — Moi, je reste. Mon vrai nom est Pierre Rousseau. Joe Dubois a jamais reçu de
     lettre d’engagement. Je cours pas de danger. Mon ami doit se sauver avant, par
     exemple.
    — Non, Pierre, dit Roger en prenant tout son courage. Pour que Gros Jambon se
     fasse pincer, je suis prêt à prendre le risque de l’être itou.
    — On va tout ben préparer notre plan. Il t’arrivera rien, promit monsieur
     Langevin.
    — À la santé de l’armée qui va servir à quelque chose, dit la tante Édith en
     levant son verre et le calant d’un trait.

    En sursaut, Pierre se réveilla. Par réflexe, il tendit la main vers Chapeau. La
     place était vide. Pendant sa convalescence, l’Indien avait partagé son lit. La
     veille, Chapeau avait disparu, sans un mot. Pierre se leva. Il aurait tant aimé
     pouvoir lui redonner la chaînette d’argent. Malgré la désapprobation des autres,
     Pierre avait été la réclamer à Gros Jambon quelques jours après l’agression.
     C’était plus fort que lui, il devait lui faire face. Celui-ci était parti à
     rire.
    — Tu voulais que le Sauvage me fasse des excuses, y m’en a fait pis je les
     accepte.
    Si ce n’avait été du plan prévu pour l’arrestation de l’homme, Pierre n’aurait
     jamais réussi à se contrôler.
    — Il t’avait rien fait !
    — J’allais pas attendre d’avoir un coup de couteau dans le dos, rétorqua Gros
     Jambon.
    — Faire souffrir un enfant…
    Le bûcheron le fixa méchamment.
    — Y a pas crié ben fort.
    — Innocent, y est muet ! cria Pierre.
    — Ah ! j’avais oublié ce détail, ricana Gros Jambon. S’il m’avait

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