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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dit
     d’arrêter, je l’aurais fait.
    Pierre le prit au collet.
    — Pis comment ça se fait que tu le savais, que sa langue avait été coupée,
     hein ? Réponds mon enfant de chienne, mon hostie de gros tas de marde de…
    Pierre avait suspendu son poing. Ils étaient tous les deux près du hangar à
     outil de la ferme où Gros Jambon travaillait. Pierre y avait remarqué une pelle
     accotée sur le mur. Il s’était vu la prendre, se mettre à frapper ce gros
     dégueulasse jusqu’à ce que son visage au complet soit rendu en bouillie... Comme
     il avait honte de ses pensées, de cette pulsion meurtrière qui l’habitait. Il
     était un animal. Il avait relâché sa prise et était retourné sur ses pas. Gros
     Jambon l’avait traité de peureux, se méprenant sur la cause de son repli. Les
     semaines suivantes, Pierre avait longuement réfléchi à cette rage qui l’habitait
     et qui menaçait de surgir. Il devait contrôler ce mal qui le rongeait. Enfin, le
     jour de la vengeance était arrivé. Pierre descendit faire son ouvrage du matin.
     Tout en se dirigeant vers l’étable pour la traite des vaches, il priait pour que
     tout se passe comme prévu. La lettre de dénonciation avait été soigneusement
     préparée. On promettait de leur livrer le déserteur lors de la messe soulignant
     le cinquantenaire de la fondation de Normandin. Roger serait déjà loin. Pierre
     se dépêcha de terminer de traire les vaches. En revenant à la maison, il vit son
     ami qui attendait sur la galerie. Avec la charrette de monsieur Gauthier, Roger
     était venu porter une grosse caisse remplie de banderoles. Parmi les décorations
     se cachait son bagage. C’était le prétexte qu’ils avaient trouvé afin qu’il
     puissequitter Normandin sans éveiller les soupçons de
     personne.
    — Le gros va être à messe tantôt comme prévu, annonça Roger. Y est bien fier
     parce que monsieur Gauthier lui a demandé de conduire son camion pendant que lui
     monterait sur le char allégorique.
    — Il se pètera pas les bretelles longtemps.
    — Penses-tu que les MP vont venir ?
    — On leur donne sur un plateau. Ils vont venir. Y a un oncle Langevin qui
     connaît le beau-frère du mari d’une de ses cousines qui a une connexion avec la
     police provinciale, enfin tu vois ce que je veux dire.
    Les deux amis partirent à rire.
    — Pis sur la lettre, le notaire Turcotte a signé, pis le vieux docteur Poissan
     aussi. Quand il a soigné Chapeau, il a dit que jamais il avait vu quelqu’un
     s’acharner de même sur un enfant.
    — Bon moé, il faut que je pense à prendre le large.
    — J’aurais aimé que tu restes.
    — J’suis un déserteur, Pierre. Je peux pas en inventer, des papiers
     d’exemption.
    — Je sais ben. J’aurais juste voulu que tu sois pas obligé de partir. Tu t’en
     vas par où en fin de compte ? s’informa Pierre.
    — Je monte en Abitibi. Là-bas, ils me trouveront pas certain.
    — En Abitibi, ouais, t’as une bonne trotte à faire.
    — T’as pas envie de venir avec moé ? demanda Picard, une lueur d’espoir dans
     les yeux.
    — Je veux le voir se faire arrêter ; je veux rien rater. S’il fallait qu’il
     s’en sorte, je m’en occuperais moi-même…
    — Fais pas le fou, Pierre. Il mérite pas que tu te mettes dans le
     trouble.
    — Chapeau a été fouetté. Je serai pas capable de faire comme si de rien
     n’était.
    — Tu vas être un curé un jour.
    — Je le sais mais...
    — Écoute Pierre, j’ai jamais rencontré un gars comme toé avant. Tu vas faire un
     bon prêtre.
    — Merci Roger. Je vas prier pour toi, pour pas que les mouches noires te
     bouffent là-bas pis pour que tu rencontres une belle Abitibienne.
    — Tiens, j’avais pas pensé aux filles de l’Abitibi.
    — Ben croire...
    — Je peux te demander un service ? dit Roger en sortant une longue boîte de
     métal de sa poche.
    — Ce que tu voudras, accepta Pierre.
    — Quand la guerre a va être finie, j’aimerais que tu ailles voir mon père, chez
     nous, à Tadoussac, pis que tu lui donnes ça. C’est tout mon argent ou presque.
     Je veux pas que ça tombe dans de mauvaises mains ou que ça se perde. Toé, j’ai
     confiance. Y a 829 belles piastres là-dedans ! Pis y a aussi un plan pour
     trouver la maison chez nous.
    Pierre promit.
    — Tu es prêt, mon gars ?
    Monsieur Langevin venait d’arriver avec une automobile empruntée à son frère
     Paul. Il emmenait

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