Les porteuses d'espoir
Roger jusqu’à la gare.
Pierre alla mettre le trésor bien à l’abri dans ses effets personnels. Il y
cacha également les larmes qu’il avait eu peine à retenir devant son ami.
Pendant la messe anniversaire commémorant la fondation de Normandin, quelle ne
fut pas la surprise pour Pierre de reconnaître l’abbé Victor Tremblay, qui était
l’un des orateurs ! L’historien avait été invité à faire un discours. Pierre
essaya de se dissimuler le plus possible en arrière de l’assemblée. Évidemment,
lors de leur rencontre chez le curé Duchaine, Pierre n’était qu’unadolescent, mais avec sa chevelure rousse et sa cicatrice
buccale, il y avait fort à parier que cet homme mette un nom sur son visage.
Pierre regretta d’avoir pris le risque de rester à Normandin. La présence de
l’abbé compliquait la situation. Il courba le dos et se dissimula derrière une
des colonnes de l’église. La messe terminée, il essaya tant bien que mal de se
fondre dans la masse, guettant du coin de l’œil les déplacements de l’abbé et
ceux de Gros Jambon. Rendu sur le parvis de l’église, il se retrouva de l’autre
côté de son ennemi. Celui-ci faisait virevolter les clés du camion d’un air
supérieur. Autour de lui, Pierre vérifia que les autres personnes participant au
plan avaient pris leur position. Tout semblait se dérouler comme prévu. Nerveux,
Pierre se rassura. Le gros ne suspectait rien. Il avait perdu de vue l’abbé
Tremblay. Intérieurement, il se mit à prier : « Faites que tout se passe bien,
je Vous en prie, Seigneur… » Soudain, Gros Jambon croisa son regard. Prenant la
petite croix de la chaînette volée suspendue à son cou, il nargua Pierre en
faisant glisser le pendentif de gauche à droite. Serrant les poings, Pierre
essaya de se contenir. Un murmure dans la foule l’avertit que quelque chose
d’inhabituel se produisait. Il tourna son regard vers la rue. Une jeep verte de
la police militaire remontait l’allée menant à l’église. Pierre surveilla la
réaction de Gros Jambon. Le bûcheron n’avait pas encore remarqué l’agitation et
avait repris son petit jeu de hochet avec les clés. Pierre le vit relever la
tête, une lueur interrogative dans les yeux tandis qu’il regardait autour de
lui, conscient tout à coup qu’il se passait quelque chose. Quand son visage
perdit toute couleur, Pierre sut que le bûcheron venait d’apercevoir, lui aussi,
le véhicule de l’armée. La jeep s’arrêta au pied des marches et deux militaires
en descendirent rapidement. Le silence se fit dans l’assemblée tandis que les
hommes armés s’avançaient. Pierre se raidit, prêt à sauter sur Gros Jambon si
celui-ci réussissait à s’enfuir. L’étau autour du déserteur était solide. Comme
un rat qui cherche frénétiquementune issue, Gros Jambon
essayait de tous les côtés de se sauver. Il n’avait aucune chance. Les hommes
Langevin formaient une chaîne humaine, solidement nouée bras dessus, bras
dessous. Avec un grognement, Gros Jambon tenta vainement d’en repousser quelques
maillons tout en tentant de ne pas attirer l’attention sur lui. Ne pouvant faire
autrement, sans trop comprendre pourquoi on s’acharnait ainsi contre lui, le
piégé choisit de se terrer. Il se pencha et fit semblant d’attacher son soulier.
Pierre réussit malgré tout à se ménager une ouverture et à apercevoir Gros
Jambon, accroupi, la sueur perlant au front. Rien que le voir trembler de peur
lui apporta déjà une certaine satisfaction. Les habitants de Normandin
attendirent la suite. Ce n’était pas la première fois que la Military
Police se pointait dans le village à la recherche d’un fugitif. Les MP
étaient venus au printemps dernier vérifier l’identité de quelques jeunes
hommes. De sa voix de stentor, habitué à se faire entendre par les troupes, un
des militaires demanda si monsieur Lagardère était parmi la foule. Le cœur de
Pierre se mit à battre. À son grand étonnement, Gros Jambon sembla soulagé.
Comme de fait, au lieu du déserteur, ce fut un vieil homme qui sortit de la
foule.
— C’est moé, dit-il en s’avançant. Que c’est vous me voulez ?
Il y avait une erreur, qu’est-ce qui se passait ?
— On cherche votre fils, un dénommé Jean Lagardère.
— Je sais pas y est où.
— On aurait raison de croire qu’il serait pas
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