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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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loin.
    — Ben si vous le trouvez, dites-y de se tenir loin de la main de son père. Y
     est parti avec mon argent, le sacripant.
    Le soldat hésita. Il s’adressa à la ronde.
    — Y a-tu quelqu’un ici qui aurait quelque chose à nous dire ?
    Les gens gardèrent le silence. Le deuxième soldat, plus nonchalant, s’adressa à
     son compagnon.
    —  We lost our time, let’s go.
    — Non j’te dis, laisse-moi faire.
    Le policier avait sourcillé en recevant l’étrange lettre de dénonciation. Ne
     pouvant justifier à ses supérieurs cette mission à Normandin en ne se basant que
     sur des ragots, il avait pensé utiliser ce stratagème. Le fils Lagardère étant
     sur leur liste, il avait le feu vert pour effectuer cette patrouille. Il était
     un des rares Canadiens français à faire partie de la police militaire. C’est
     pourquoi on l’avait basé dans cette région reculée du Lac-Saint-Jean. À nouveau,
     il s’adressa aux paroissiens.
    — Je veux pas vous déranger dans vos festivités… mais...
    Il attendit, ne sachant plus trop quoi faire. Dans la lettre, on le priait de
     venir à cette date et heure précises devant l’église. Un déserteur leur serait
     livré. Si la missive n’avait pas été signée de la main même de plusieurs
     notables du village, il l’aurait roulée en boule et jetée au panier pour
     rejoindre les autres rédigées par des gens qui croyaient avoir vu un Allemand se
     cacher dans leur grange ou un étrange espion qui posait des questions avec un
     drôle d’accent. Avec un soupir, il se dit qu’en fin de compte, cela devait être
     un canular.
    — Bon, excusez-nous du dérangement.
    Comme il se préparait à quitter les lieux, une étrange vague se mit en
     mouvement dans l’assemblée. Les soldats se figèrent. Devant eux, la foule
     s’ouvrit en deux. Les villageois en éjectèrent un gros homme qui manqua débouler
     les nombreuses marches tant il fut poussé solidement en bas du parvis. Perplexe,
     Gros Jambon protesta :
    — Mais que c’est qui se passe ? Poussez-moé pas, arrêtez !
    Il ne put rien faire pour éviter de se retrouver seul en face des policiers. La
     colère l’envahit quand il comprit qu’on le livrait comme une bête à l’abattoir.
     Il ne pensa jamais à nier.
    — Mes hosties, vous me ramènerez pas dans cette armée de chienne,
     certain.
    Il hésita à foncer sur les militaires. En quelques secondes,
     ceux-ci pointaient maintenant leur fusil sur lui. Gros Jambon leva les mains en
     l’air. Regardant de gauche à droite, il cherchait encore un moyen de s’échapper.
     Il avait envie de courir, mais la peur de recevoir une balle entre les deux yeux
     l’en empêcha.
    — Ma gang de sacraments…
    Il jura puis décida qu’il ne serait pas seul à se faire prendre.
    — Y en a deux autres icitte aussi, cria-t-il aux militaires.
    Frénétiquement, il scruta la foule.
    — Y a un Picoté à quelque part, je sais pas son vrai nom. Il travaillait avec
     moé chez le bonhomme Gauthier.
    Presque au bord de la crise de nerfs, Gros Jambon empruntait une voix
     aiguë.
    Tandis que le policier anglophone menottait le déserteur, l’autre soldat, tout
     en le tenant en joue, demanda à la ronde :
    — C’est qui monsieur Gauthier ?
    L’employeur des deux bûcherons s’avança.
    — C’est moé. J’ai engagé deux bûcherons pour l’été. Lui, pis un certain Picoté,
     c’est vrai, déclara monsieur Gauthier. Je le savais pas que c’étaient des
     fuyards. Vous en avez attrapé un, l’autre est disparu de bonne heure à matin. Je
     l’ai pas trouvé nulle part.
    — Quoi ? gueula Gros Jambon. Comment ça, disparu ?
    Monsieur Gauthier descendit jusqu’au prisonnier et, d’un geste ferme, se mit à
     fouiller dans ses poches pour reprendre les clés de son camion.
    — C’est à moé, expliqua-t-il aux soldats. Pis ça aussi, ça lui appartient pas,
     ajouta-t-il en retirant la chaîne et son médaillon du cou du bûcheron. Il en
     profita pour lui murmurer :
    — Je vas être obligé de laver le siège pis le volant que t’as touché, gros
     écœurant…
    Gros Jambon se débattit un peu, mais le soldat le retint fermement.
    —  Don’t move ! ordonna-t-il.
    — Là, regardez, c’est l’autre, se mit-il à crier en situant une tête rousse
     dans la foule. Les cheveux rouges, c’est celui qui se cache, c’est Joe, Joe
     Dubois, attrapez-le aussi, vite avant qu’il se sauve !
    La fuite

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