Les porteuses d'espoir
mystérieux, François-Xavier déroula une longue feuille.
Pierre y vit le plan d’une charrette modifiée.
— C’est Baveux qui va la tirer. Ce bon vieux chien est ben intelligent. Il va
déjà chercher la poste tout seul au village. Tout le monde trouve ça ben drôle
de le voir revenir avec une lettre dans la gueule. C’est ça qui m’a donné
l’idée. Avec le miroir, Léo va pouvoir surveiller derrière lui. Le klaxon, pour
avertir évidemment, mais aussi pour un code. Un coup pour oui, deux pour non.
Sur l’ardoise, on pourrait écrire nos commissions qu’il ramènerait dans ce
coffre en bois.
Pierre trouva l’idée de son père excellente.
— Une sorte de petite voiture rien que pour lui. Au lieu du chien, on pourrait
patenter des pédales ou un petit moteur…
— Des pédales… Peut-être ben.
— En tout cas, j’aimerais être icitte pour voir la face de Léo. Y va être
heureux sans bon sens.
— Sourd ou pas, il faut que ce petit gars gagne un peu de lousse. Comme ça, il
pourra aller se promener pis se changer les idées.
En voyant Chapeau soulever un marteau, Pierre sourit.
— Je peux-tu vous demander de garder Chapeau icitte ? Il
pourrait peut-être vous aider ? Je le veux pas sur mes talons à Tadoussac.
— Tu nous a ramené un drôle de moineau.
— Il m’a suivi. C’est drôle, il semble aimer ben gros Léo.
— Deux petits gars qui parlent pas… Qui se ressemble s’assemble. Si ta mère est
d’accord, ton Indien pourra rester.
— En partant pour Tadoussac, je pensais passer par Jonquière voir mon parrain
pis Laura. Viendriez-vous avec moi, son père ? Jusque chez parrain, je veux
dire. Après, je vas continuer tout seul.
François-Xavier réfléchit. Il était resté à l’écart trop d’années. Il était
temps qu’il essaie de renouer avec son ami d’enfance.
— Je vas demander à monsieur Dallaire si je peux emprunter son auto pis je vas
descendre avec toi. Ça fait longtemps que j’ai pas vu Georges pis Laura.
Après avoir tendu à Chapeau un long clou, Pierre lui fit signe de l’enfoncer
sur une planche.
— Attention à tes pouces, Chapeau.
Ayant vite saisi la technique, heureux, l’Indien s’assit par terre et s’amusa à
parsemer sa planchette de clous. Pierre le regarda faire un moment avant de
lancer à son père :
— En revenant de Tadoussac, je rentre chez les trappistes.
François-Xavier arrêta son mouvement de va-et-vient sur le bois. Doucement, il
pencha la tête et souffla sur les copeaux qu’il avait engendrés.
C’était la dernière chose à laquelle il s’était attendu. Son fils, son fils
devenir moine, porter la robe brune, le crâne rasé… Il ferma un instant les yeux
de douleur sur son rêve perdu de fromagerie Rousseau et fils. Il ne devait pas
montrer son désarroi à Pierre.
— Es-tu certain de ton affaire, mon gars ?
— Oui papa, je suis ben décidé.
François-Xavier changea d’outil. Prenant un ciseau à bois, il
se mit à graver le prénom de Léo sur le devant de la caisse.
— Pis je vas l’emmener à la pêche aussi, dit-il.
— Qui ça, Léo ?
— À la Chute-aux-lièvres, là où on allait tout le temps ensemble.
— On en a fait des belles pêches là-bas. C’était notre coin secret, se rappela
Pierre sans trop comprendre pourquoi son père lui évoquait cela.
— Te souviens-tu de la course qu’on faisait ? Arrivés au gros arbre mort, y
avait deux chemins pour se rendre à la première fosse.
— Le mien me faisait faire un petit détour, mais je courais vite !
— Mon bon vieux sentier était tout tapé, je le faisais les yeux fermés.
— Je montais un petit cran pis j’avais une belle vue sur la chute.
— Y avait ma talle de bleuets…
— Pis moi, un rocher en forme d’ours… On arrivait toujours en même temps.
François-Xavier compléta la boucle du « o ». Il se recula pour admirer son
œuvre. Satisfait du Léo qu’il avait gravé, il rangea son outil. Il leva
les yeux vers Pierre.
— Si devenir trappiste, c’est le sentier que tu veux prendre, c’est pas moi qui
va t’en empêcher.
— Merci papa.
Pierre ajouta :
— Pouvez-vous en parler à maman pour moi ? Je sais pas quels mots je peux
prendre.
— A me pardonnera jamais de lui annoncer une affaire de même.
— Je vous en prie, papa, c’est au-dessus de mes forces.
— J’vas attendre ton retour de
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