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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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cousin.
    — J’aimerais ben aller lui rendre visite, se dit-il à haute voix.
    — T’as rien qu’à embarquer avec moé, le jeune, dit tante Édith.
    — J’ai rien à perdre d’essayer.
    — À part te retrouver en petits morceaux, je vois pas, avait commenté monsieur
     Langevin.
    — Je voulais dire de frapper à la porte du monastère, rectifia Pierre.
    — Mais t’as jamais vu conduire ma belle-sœur Édith, toé ! Elle sait pas
     reculer ! renchérit son hôte.
    — Qui a besoin de ça, un reculons ! se défendit la femme. Moé,
     quand je m’en vas à quelque part, c’est par en avant que j’y vas. Sinon, aussi
     ben de rester chez vous, non ?
    — En tout cas, mon Pierre, moé, je te jure, j’aimerais mieux marcher sur les
     mains jusqu’à Mistassini plutôt que d’embarquer avec elle. Une femme au volant,
     c’est un danger public.
    La tante Édith lui avait jeté un regard noir. Pierre n’était pas trop certain
     si le fermier parlait sérieusement ou pas. Il n’y avait plus vraiment trace de
     taquinerie dans sa voix. La main sur la portière, Pierre eut un mouvement
     d’hésitation. À la dérobée, il fit un signe de croix, demandant au Seigneur de
     le protéger. Il monta aux côtés de la conductrice. À son grand étonnement,
     Chapeau fit pareil et s’installa à ses côtés. L’Indien semblait déterminé à
     suivre Pierre plus loin qu’à Normandin.
    La tante Édith partit à rire.
    — Toi, Chapeau, envoye en arrière.
    Le jeune Montagnais culbuta la tête la première par-dessus la banquette avant.
     Excité, il battait des mains en étudiant l’habitacle. Pierre tourna
     vigoureusement la manivelle de la fenêtre et passa la tête par
     l’ouverture.
    — Merci ben pour tout encore ! cria-t-il aux Langevin tandis que la tante Édith
     mettait le contact.
    L’automobile vrombit. Les pneus crissèrent. Pierre s’enfonça dans son siège,
     les yeux agrandis de stupeur. La conductrice ralentit son allure, mais cela
     n’arrangea rien. L’automobile zigzaguait, la tante Édith semblant incapable de
     garder son attention sur la route plus de deux secondes. Sa façon de manier le
     volant tenait plus de ces nouvelles danses à la mode que de la conduite
     automobile. Avec ce départ sur les chapeaux de roue, il ne remarqua pas madame
     Langevin qui serrait contre elle sa fille aînée qui essayait de dissimuler sa
     déception.

    — Tu m’attends icitte, Chapeau.
    Nerveux, Pierre se rendit à l’entrée principale du bâtiment. Rendant grâce à
     Dieu d’avoir survécu au voyage avec la tante Édith, il admira le monastère qui
     s’élevait devant lui. Pierre ressentit un sentiment d’exaltation tandis qu’il
     gravit l’immense escalier. En pénétrant à l’intérieur, Pierre sut qu’il vivait
     un moment particulier. Entre ces murs, il se sentit plus proche de Dieu que
     jamais. La simplicité des lieux le touchait plus que le faste de l’église de
     Normandin. Poliment, il expliqua au moine qui l’accueillit les motifs de sa
     venue. On le fit attendre un long moment, assis sur un banc de bois, accoté au
     mur lambrissé. Le religieux revint en compagnie d’un de ses semblables. Ce moine
     boitait.

    Quand il quitta Mistassini, ses bagages s’étaient alourdis d’un gros morceau du
     réputé fromage des trappistes destiné à ses parents. Jean-Marie avait insisté
     pour lui faire ce cadeau. Toujours flanqué de Chapeau, qui n’avait pas bronché
     de l’arbre sous lequel il l’avait attendu, Pierre continua son voyage de retour.
     Après avoir fait de l’auto-stop et parcouru des milles à pied, ils arrivèrent
     enfin en vue de son village. Ses parents n’étaient pas au courant de sa venue.
     Il avait hâte de voir la tête qu’ils feraient. Il avait tant rêvé de retourner
     chez lui. Jamais il ne se serait douté que cela serait si différent, qu’il se
     sentirait comme un étranger dans la maison de Saint-Ambroise. Il trouva ses
     parents changés, sa mère aigrie, son père taciturne, impatient. Il avait
     toujours imaginé ses parents proches de la perfection. Son père était un exemple
     pour lui, sa mère, une sainte, merveilleuse, aimante... Il retrouvait un couple
     qui avait mal vieilli ensemble, que la mort de Barthélémy avaitéloignés. La maison elle-même n’avait plus rien de spacieux et réconfortant.
     Ses parents acceptèrent la présence de Chapeau. Comme à l’accoutumée,
     l’Amérindien sut

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