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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Tadoussac. On va le faire ensemble. T’es rendu assez vieux pour comprendre qu’il y a des choses qu’un
     homme affronte pas seul...

    Pendant le trajet qui menait le père et le fils vers Jonquière afin de rendre
     visite à Georges, la conversation tourna autour des trappistes.
    — Comment va Jean-Marie ?
    — Il... il ne ressemble plus à mon cousin. On aurait dit... un étranger. Faut
     dire que je l’avais pas revu depuis mes douze ans.
    — Personne pensait, quand il s’est réfugié là-bas, qu’il en ressortirait
     pas.
    Il jeta un œil sur son garçon. Il devait se faire à l’idée que lui aussi s’y
     enfermerait.
    — Sur le coup, s’il n’avait pas boité, je vous jure papa, je l’aurais pas
     reconnu. Il a l’air heureux... Il cultive les abeilles, les visons, la
     renardière, c’est impressionnant.
    — T’es ben certain, Pierre, de vouloir…
    — Oui papa, je vous l’ai déjà dit.
    — Ils travaillent fort ces moines, tu sais.
    —  Ora labora… C’est ça qui est écrit dans le portique du monastère. J’ai
     demandé à monsieur le curé ce que ça voulait dire.
    — Je suppose que c’est du latin.
    — Ça veut dire Prière et labeur , c’est leur devise. C’est exactement à
     ça que j’ai envie de me vouer.
    — Oui, ça peut paraître ben beau, mais…
    — C’est pas juste beau papa, c’est… un sentiment de paix.
    — C’est juste que… ils sont coupés du reste du monde. Regarde Jean-Marie…
    — Donner sa vie à Dieu, papa, ça vaut le sacrifice, vous pensez pas ?
    — Ta sœur Laura parle pareil… Elle veut rester au couvent.
    François-Xavier devint pensif. Pourquoi les mots ne lui
     venaient-ils pas ? Il essayait de toutes ses forces d’accepter la décision de
     son fils, mais au fond de lui, il avait envie de le secouer, de lui dire de
     s’enlever ces bêtises de bondieuseries de la tête, de l’implorer de réfléchir
     encore, de le convaincre qu’il était trop jeune pour bien saisir l’implication
     d’une vie monastique. Comment expliquer à son fils qu’il était tombé dans un
     piège ? Réalisait-il vraiment qu’une fois rentré, il ne sortirait plus ? On
     n’appelle peut-être pas cette communauté la trappe pour rien. Il n’avait
     pas le droit de dire à voix haute que lui, François-Xavier, un homme sain
     d’esprit, il trouvait hypocrites ces processions de soutanes, que l’Église ne
     prônait pas ce qu’elle prêchait. Depuis son enfance à l’orphelinat, il s’était
     toujours questionné sur sa foi. Il ne doutait pas de l’amour divin ; il en avait
     tant besoin. Il était contre toutes ces démonstrations à n’en plus finir, ces
     religieux qui décrétaient qu’ils possédaient la vérité. Comme toute cette
     profusion de latin dont personne, à part eux-mêmes, ne comprenait un traître mot
     alors qu’ils marmonnaient pendant des heures à la messe. Et ces sermons, ce
     chantage, ce règne de la peur… Périr en enfer, être puni, les châtiments... Il
     n’était certainement pas le seul à penser ainsi, cela n’était pas possible !
     Quand son fils avait les yeux brillants à l’idée d’aller s’emprisonner entre
     quatre murs, il y avait quelque chose de pas normal. Qui avait demandé ce
     sacrifice, qui ? Il taisait ses doutes. Personne ne devait s’en rendre compte,
     pour ne pas entacher son nom, être banni, excommunié, comme ceux qui osaient
     affronter le pouvoir noir. Il continuerait à parler à Dieu à sa façon, en
     français, dans ses mots, sans peur, sans crainte, sans menace, comme son père
     adoptif lui avait appris.
    — Si t’es ben certain…
    Pierre partit à rire. Cela devait faire la dixième fois que son père lui
     faisait ce commentaire.
    — Jean-Marie m’a donné une lettre à remettre à son père.
    — Ah oui ?
    — Mononcle Georges lui parle plus depuis le feu.
    — Pauvre Jean-Marie... quand Elzéar est mort à la guerre, c’est moi qui est
     allé lui annoncer la triste nouvelle. Je pouvais toujours ben pas lui envoyer un
     télégramme.
    — Y est rendu à quel âge, mon cousin ?
    — Jean-Marie ? Attends, il doit avoir pas loin de vingt-cinq ans
     astheure.
    François-Xavier chercha des repères de date dans sa tête.
    — Vingt-six, s’exclama-t-il, certain de sa réponse. Ouais, vingt-six ans... Que
     ça passe vite !
    Pierre regarda les tempes dégarnies de son père, les rides autour des
     yeux.
    — Vous avez ben

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