Les porteuses d'espoir
s’attirer la sympathie de tous. Il n’avait qu’à sourire et
montrer ses doux yeux bruns, et tout le monde l’aimait. Quand Pierre alla au
village rencontrer le curé Duchaine, il trouva que Saint-Ambroise était loin
d’égaler Normandin. Il avait demandé à Chapeau de rester à la ferme. Il voulait
être seul. Sa démarche était importante. Il avait quelque chose de très grave à
discuter avec le curé. Au début, ils parlèrent de tout et de rien. Quand Pierre
lui fit part de sa vocation, il ne put se résoudre à vraiment aborder le sujet
qui le taraudait : les femmes. Comment dompter ces élans de désir qui le
prenaient à la vue de la jolie serveuse du café où il s’était arrêté manger un
morceau, ou de celle qui avait si joliment croisé les jambes en s’asseyant sur
un banc du parc où il avait pris un instant de repos ? Il avait tant espéré
qu’avec le curé, il retrouverait la complicité d’avant, mais il devait se
l’avouer, il n’était plus un jeune servant de messe buvant les paroles du
prêtre ; il était un homme, un homme de dix-neuf ans qui devait penser à son
avenir et trouver lui-même des réponses à ses questions. Il avait décidé de
revenir à travers les champs, reprenant sa vieille habitude. Au bord du
ruisseau, il s’arrêta un moment. Prenant une branche morte, il s’amusa
distraitement à fouiller dans les nouvelles pousses d’herbe du printemps. La
solution à son problème lui vint comme un éclair. Pourquoi n’y avait-il pas
pensé avant ! C’était si simple ! Il rejeta son bâton et s’enhardit vers sa
maison. Il allait devenir moine, comme son cousin. À ce qu’il sache, les femmes
étaient bannies de la trappe. Au monastère, il ne serait plus tourmenté par la
tentation des joies de la chair. Loin des yeux, loin du cœur. Et voilà, quand on
cherche, on trouve ! Il ne lui restait qu’à l’annoncer à ses parents.
— Tu vas pas t’en retourner, y en n’est pas question, Pierre
Rousseau. Tu viens de revenir.
— Je vous l’ai déjà expliqué, maman, j’ai promis à un ami d’aller voir sa
famille à Tadoussac.
— Laisse-le faire, Julianna, c’est un homme astheure, notre fils, il a sa
vie.
— Une vie de vagabond, de va-nu-pieds ! C’était pas supposé ressembler à ça
pantoute, sa vie ! Il a pas de bon travail pis il s’en va traîner sur les routes
sitôt sorti du bois ! Si t’avais eu quelque chose à lui offrir, aussi.
— Maman ! la supplia Pierre, voyant à quel point ces paroles blessaient son
père.
François-Xavier serra les poings. Sans plus un mot, il les quitta pour se
diriger vers le hangar. Son père vieillissait, se dit Pierre, il ne se tenait
plus aussi droit que dans ses souvenirs.
— Maman..., reprit-il. Je serai pas parti pour toujours.
Il retint ses paroles. Il avait voulu lui faire part de sa décision de rentrer
au monastère, mais comment aborder le sujet quand sa mère n’acceptait même pas
l’idée d’un aller-retour à Tadoussac ? Ce n’était pas le moment d’en rajouter.
Il la rassura :
— La semaine prochaine, je vas réapparaître sur votre galerie comme l’autre
matin. Vous vous en faites trop, maman. La vie est belle. Il fait beau, j’suis
plus obligé de me cacher, pis ça sent bon... le brûlé !
— Mon souper ! s’exclama Julianna. Ah non ! ça sera pas mangeable
encore !
Sa mère s’engouffra dans la maison.
Pierre en profita et alla rejoindre son père. Celui-ci travaillait sur un
mystérieux projet de menuiserie. Chapeau se joignit à eux.
Avec un regard intrigué, le jeune muet se mit à détailler les divers outils
accrochés au mur.
— Passe-moi le rabot, il faut que je ponce les coins.
— Que c’est que vous construisez, son père ?
— C’est un cadeau pour Léo. Ton frère va avoir dix ans en juillet
prochain.
— J’arrive pas à comprendre c’est quoi !
— C’est quelque chose que j’ai patenté. Comme ton frère est sourd, ta mère est
ben inquiète qu’il lui arrive quelque chose. Ça fait qu’elle le garde dans ses
jupes. Avec ma patente, il va pouvoir aller faire des commissions au village pis
nous rendre des petits services.
Pierre ne voyait pas plus à quoi servait le bric-à-brac des pièces étalées sur
l’établi. Il y avait un gros miroir, une boîte de bois, un klaxon de voiture et
une ardoise. Avec un air
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