Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
raison, papa.

    La taille épaissie, les seins flasques... quelques cheveux blancs... une peau
     vieille de quarante ans... Enfermée dans sa chambre, Julianna se détaillait de
     la tête aux pieds devant son miroir. Avec un soupir de découragement, elle
     tourna le dos à sa déception et termina de boutonner sa robe. Tout à coup, des
     éclats de voix attirèrent son attention. Mais que se passait-il ? Elle se
     dépêcha d’enfiler ses souliers et se précipita à la cuisine. Une drôle de scène
     s’offrit à elle. Assis par terre, Chapeau et Léo tenaient une conversation. Elle
     raconterait souvent cette anecdote par la suite et chaque fois, ses yeux se
     mouilleraient de larmes : « Je vous le jure, dirait-elle, mon Léo, sourd et
     muet, parlait avec Chapeau, l’Indien à la langue coupée. Ils se parlaient et se
     comprenaient. Demandez-moi pas comment, mais je vous jure que c’est vrai. Ils
     parlaient pas avec des vrais mots, là, là… Ben non, mais vrai comme je suis là,
     ils se comprenaient. »
    Julianna les contempla un moment. Il y avait si longtemps que
     Léo n’avait pas ri de bon cœur ainsi. À cet instant précis, les rides de
     Julianna lui semblèrent vraiment dérisoires...

    La visite chez Georges fut courte. À l’étonnement de François-Xavier, il les
     reçut avec bonne humeur.
    — Mon p’tit Pierre, comme te v’là grandi..., lui dit son parrain.
    — Laura est pas là ?
    — Ben non, à moins que je la cache dans un garde-robe.
    — Elle est encore à l’école ? dit François-Xavier.
    — Ta fille reste au couvent tard cette semaine. Elle aide les religieuses pour
     préparer la fête du Sacré-Cœur.
    Déçu de ne pouvoir serrer sa petite sœur dans ses bras, Pierre se promit de
     repasser dès son retour de Tadoussac. Georges fit entrer ses visiteurs et les
     dirigea vers la cuisine. Il leur servit un verre de liqueur.
    — Je peux pas vous offrir plus fort, y a jamais une goutte d’alcool qui est
     rentrée icitte dedans.
    D’un geste du menton, il désigna la grande croix de bois noir qui était
     accrochée sur un des murs.
    — Ma croix de la tempérance est là pour me le rappeler.
    Au centre de la table, un grand bol de peppermints trônait.
    — Prends-toi des bonbons, mon Pierre. Envoye, gêne-toi pas.
    François-Xavier se dit qu’il avait sous-estimé le lien unissant le parrain et
     le filleul. Il est vrai que Pierre avait sauvé sa petite Hélène.
    — Pis les chantiers, mon gars, pas trop dur la vie là-bas ?
    Pierre leur raconta sa promotion à titre de cuisinier.
    Georges se frappa les cuisses en riant.
    — Un ti-coq, ti-cook !
    À ce moment, François-Xavier aurait dû se douter de quelque
     chose. Le rire était trop fort, le ton un peu narquois.
    — Astheure que la guerre va finir, je suis ben content de revenir. Ça
     commençait à être ennuyant dans le bois.
    — Pauvre p’tit gars, dit Georges.
    En songeant à son cousin, mort au combat, Pierre se sentit gêné. Timidement, il
     offrit ses condoléances à son parrain.
    — J’ai été ben, ben peiné par la mort d’Elzéar, mon oncle.
    — Ouais, lui, il devait pas manquer d’action au front.
    François-Xavier se racla la gorge et décida d’amener la conversation sur un
     sujet moins douloureux. Sur la table était ouvert le journal du matin. Lisant
     les gros titres, il commenta la nouvelle qui faisait la manchette depuis des
     semaines.
    — Pis, que c’est que tu penses de ça toi, qu’Ottawa nous verse des allocations
     familiales ?
    Devant le visage impassible de son beau-frère, François-Xavier réalisa sa
     maladresse.
    — J’en pense pas grand-chose si tu veux savoir. À part que c’est mon salaire
     qui va servir à mettre de l’argent dans tes poches.
    — Ben là, Georges…
    — C’est toujours les mêmes qui trouvent les moyens de s’en sortir.
    — Pis votre santé va bien ? demanda Pierre pour détendre l’atmosphère.
    — Aucun problème, le jeune.
    Un silence gênant plana dans la pièce. Pierre se racla la gorge et annonça le
     vrai but de sa visite.
    — Je suis arrêté voir Jean-Marie chez les trappistes l’autre jour…
    Georges le fixa d’un air mauvais.
    — Pis il m’a donné ça pour vous.
    Le jeune homme déposa l’enveloppe sur la table. Son parrain ne broncha pas.
     Pierre insista.
    — Mononcle Georges, c’est pas chrétien de tourner le dos comme
     ça à son propre fils. Jean-Marie vous aime

Weitere Kostenlose Bücher