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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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le réveiller.
    — T’es chanceux, mon p’tit gars, que la nuit ait pas été trop froide ; des
     amanchures pour attraper la crève, marmonna l’oncle.
    Pierre se frotta les yeux, cherchant à comprendre où il était. Épuisé, il
     aurait pu dormir pendant trois jours de suite au moins. Le souvenir de la veille
     lui revint et la douleur du rejet de Luce le frappa encore plus durement.
     L’oncle de Luce le regardait comme s’il était un pauvre quêteux.
    — Si t’étais dans le trouble, le jeune, t’aurais pu venir frapper à ma porte.
     On refuse pas la charité par icitte.
    C’est vrai qu’il devait avoir une mine affreuse. Il avait sangloté comme un
     enfant pendant des heures. Il ne pouvait bien pas avouer sa faiblesse à cet
     homme. Sans un mot, Pierre réajusta ses vêtements et lissa ses cheveux. Le plus
     âgé insista :
    — La boisson, c’est trinquer avec le Diable…
    — J’ai pas rien bu, répondit sèchement Pierre.
    L’homme étudia la scène. Il remarqua le bouquet de fleurs par terre.
    — Ben, si t’as un problème mon gars, je peux peut-être t’aider. Après tout,
     t’es un ami de Luce.
    Rien qu’à entendre le prénom, les larmes lui revinrent aux yeux. Pierre se prit
     la tête entre les mains. Ça ne se pouvait pas, tomber follement en amour si vite
     et se retrouver le cœur brisé encore plus rapidement. Ah ! Luce,
     le visage de Luce, le sourire de Luce, le corps de Luce… dans les bras d’un
     autre homme... À l’expression tourmentée du pauvre garçon, monsieur Gagnon se
     douta bien que sa nièce avait quelque chose à voir dans la détresse de ce
     dernier.
    — Ah ! la boisson pis les femmes, deux calamités...
    L’oncle de Luce passa ses doigts rugueux sur son menton à la barbe non faite.
     C’est drôle, Pierre se souviendrait du bruit de frottement que ce geste
     créa.
    — Bon, tu vas venir te réchauffer chez nous pis manger un brin. Tu vas voir, y
     a rien de tel qu’un ventre plein pour retaper son homme pis débroussailler sa
     tête.
    Pierre ne refusa pas.
    — Pis on va jaser un peu en chemin...
    Tout en suivant son bon samaritain, Pierre ne se doutait pas, à ce moment, que
     l’homme allait lui offrir plus qu’un gîte et un couvert.

Été 1945

    — F
rançois-Xavier, François-Xavier, on a enfin des
     nouvelles de Pierre !
    Julianna courait en revenant du bureau de poste. La précieuse enveloppe à la
     main, essoufflée, elle la brandit sous le nez de son mari. À l’appel de sa
     femme, il s’était empressé de sortir du hangar d’où il venait de donner la
     touche finale au cadeau destiné à Léo. Un beau vernis protégerait le bois de la
     charrette. Nerveuse, Julianna resta plantée devant son mari.
    — Tu attends quoi pour nous la lire ? demanda celui-ci.
    Le silence de leur fils depuis son départ pour Tadoussac les avait plongés dans
     des semaines teintées d’inquiétude. Julianna tourna et retourna la lettre entre
     ses mains. La missive était adressée à monsieur et madame Rousseau. Derrière,
     sur le rabat : de votre fils Pierre.
    — Je suis pas capable, François-Xavier. Y nous écrit peut-être pour nous dire
     qu’il est mort !
    Les yeux ronds, François-Xavier regarda sa femme, cherchant si celle-ci avait
     saisi le non-sens de ses paroles. D’un grand rire nerveux, elle le rassura quant
     à sa santé mentale.
    — Arrête de dire des niaiseries pis ouvre-la, lui ordonna-t-il.
    Tremblante, elle se décida enfin à déchirer le papier et à en extirper la
     lettre. Penché derrière elle, François-Xavier en prit connaissance en même temps
     qu’elle.
    La mère bénit le ciel en lisant les premières lignes :
    — Merci Seigneur, il va bien !
    Le père fronça les sourcils à la lecture de la suite :
    — Quoi ? Il s’est trouvé du travail là-bas ?
    Les deux époux se regardèrent, interdits.
    — Ah ben, baptême ! si je m’attendais à ça ! dit François-Xavier. Mon fils
     s’est engagé comme marin !
    — Ah non ! mon Pierre travaillera pas sur un bateau. Il sait même pas nager !
     s’exclama Julianna.
    L’homme encercla la taille de sa femme.
    — Ma Julianna, j’ai marié toute une créature quand je t’ai choisie… dit-il en
     lui mordillant le lobe d’une oreille.
    Ils venaient de revenir de leur voyage à Québec. Ils avaient passé une fin de
     semaine de rêve au château Frontenac, où François-Xavier avait été heureux comme
     un roi,

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