Les porteuses d'espoir
bijou sur fond d’horizon. Là, au milieu du
cercle d’or, il la vit. Le cœur de Pierre chavira. Prestement, il remit la bague
à l’abri dans sa poche. Il scruta la rive. Là, Luce s’y tenait. Luce… Ils
étaient si loin, tant de choses les séparaient. L’amoureux leva le bras en signe
de reconnaissance. Au loin, la jeune fille se tenait droite, immobile, semblant
ne pas voir lenavire et son équipage. Pierre s’agita. Un autre
marin se posta aux côtés de Pierre, se demandant la raison de ce soudain
énervement de son équipier. Il porta son regard sur la rive, curieux de ce qui
retenait tant l’attention de Pierre.
— A ben l’air bizarre, elle… dit le marin en trouvant l’attitude rigide de la
femme un peu étrange.
— Passe-moi tes jumelles, s’écria Pierre.
L’autre haussa les épaules et retira de son cou les lunettes d’approche qui y
pendaient. Pierre n’eut que le temps d’ajuster les jumelles et de discerner les
traits tristes et défaits d’une inconnue, que la jeune femme retrouva sa
mobilité. D’un geste lent, étudié, décidé, elle déposa son sac à main doucement
par terre. Pendant quelques secondes, elle porta son regard sur le bateau et les
deux hommes qui l’observaient. Pierre reçut ce regard de détresse comme un coup
de poing. Si on dit que les yeux sont le reflet de l’âme, l’âme de cette jeune
fille était déjà morte avant même qu’elle ne saute dans l’eau dans un geste
épouvantable.
— Sacrament, est folle ou quoi ? dit l’autre marin en réalisant ce que la femme
venait de faire.
Pierre abaissa les jumelles et murmura :
— Je sais pas nager.
Il se sentait impuissant. L’autre sacra, retira sa veste et ses chaussures.
Tout en se déshabillant, il cria :
— Une femme à la mer, une femme à la mer !
Sans plus attendre, il grimpa sur le bord du bastingage et plongea à la
rescousse de la suicidaire. Pierre repositionna ses jumelles et suivit la scène
de sauvetage. Le marin nageait vigoureusement. D’autres membres d’équipage et
plusieurs touristes s’agglutinèrent autour de Pierre.
— Que c’est qui se passe ?
— Une femme se noie, là, regardez !
— Y va-tu la sauver ?
— Que c’est qu’il y a ? demandait un nouvel arrivant.
— Ça l’air qu’a sauté d’elle-même.
— Une femme, de l’autre bord, a va se noyer.
— C’est affreux, il faut la sauver !
— What’s going on ?
— Oh ! my God…
— Stop the boat, stop the boat !
Pierre resta rivé à son poste d’observation. Le matelot atteignait la femme.
Celle-ci était dans un état de panique, gesticulant, criant au secours, avalant
et recrachant des gorgées d’eau. Le maître-nageur arriva sur le pont. Repoussant
les passagers, il se fraya un chemin jusqu’à Pierre.
— S’il vous plaît, laissez-moi passer. Un peu de calme, mesdames et messieurs,
s’il vous plaît… Calm down everybody.
Il ne fut pas long à juger de la situation.
— A va le noyer avec elle, dit-il en se dévêtant à son tour. Lancez la bouée !
ordonna-t-il en plongeant avec une grâce qui aurait fait applaudir l’assistance
si ce n’eût été de la gravité du moment. Le sauveteur réapparut à la surface. Il
s’empara de la corde de l’anneau de sauvetage qu’on venait de jeter par-dessus
bord. Rapidement, il nagea vers les deux têtes qui entraient et ressortaient de
l’eau au rythme de leur lutte de survie. La femme, essayant à tout prix de
s’accrocher au marin, l’emportait avec elle dans une mort certaine.
— Vous avez vu, y essaye de se défaire d’elle !
— A le tient par le cou !
— Oh ! my God, it’s terrible ! I don’t want to see…
Le deuxième nageur arriva près du couple. Il garda une distance sécuritaire,
attendit le moment propice, puis d’un adroit coup de poing, il rendit la femme
inconsciente. Il la retint par la tête tout en faisant glisser la bouée vers son
matelot qui s’y accrocha, épuisé. Sur la rive, un témoin avait été chercher du
secours à unrestaurant situé non loin de l’incident. Le patron
fit mettre une chaloupe à l’eau et avec un autre homme, alla récupérer les trois
personnes. Il reconnut la jeune femme. Elle avait passé de longues minutes dans
son établissement à lire et relire une lettre. Visiblement secouée, elle avait
pris son sac à main, avait payé son dû et avait
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