Les porteuses d'espoir
regarda un instant puis elle traversa la rue à sa rencontre. Il lui tendit son
présent. Luce regarda les fleurs d’un air dédaigneux. Tout à coup, elle offrit
son sourire à un inconnu qui venait vers eux.
— Ah ! Clermont, te voilà !
— Excuse-moi Luce, mon père m’a retenu.
La jeune femme fit les présentations.
— Clermont, voici Pierre Rousseau, un ami de mon frère. Lui, c’est Clermont, le
fils du notaire de Tadoussac. Il a été dispensé de la guerre à cause de ses
pieds...
— Luce, la chicana le nouveau venu.
— Il aime pas ça quand je le dis au monde. Y a peut-être les pieds plats, mais
c’est tout ce qu’il a de plate !
— Luce, se choqua à nouveau le fils du notaire.
— J’avais oublié de vous dire, monsieur Rousseau, que je jouais aux cartes à
soir avec Clermont pis ses parents. J’aime assez ça être sa partenaire. Y a rien
de plus plaisant que de jouer avec lui.
Elle offrit le bras au jeune homme et abandonna Pierre sans plus de
manières.
Le couple disparut laissant Pierre sous le choc. Il n’avait pas ouvert la bouche. Elle n’avait fait aucun cas de ses fleurs. Son
bouquet, il l’avait cueilli avec tant de soin, ne le formant que des fleurs les
plus belles. Fébrile, il les avait harmonieusement agencées. Son cœur battait la
chamade. Il était aux anges. Lui, Pierre Rousseau, allait se marier, avec la
plus belle fille du monde entier ! Il la rendrait heureuse. Il consacrerait sa
vie à faire son bonheur. Quand il avait été satisfait de son arrangement floral,
il avait délicatement noué un ruban autour des tiges. Ruban dans lequel il avait
auparavant, amoureusement, enfilé une magnifique bague torsadée. Avec minutie,
il avait vérifié la solidité de son emballage inusité. La bague et son écrin
floral formaient un romantique présent. Luce allait adorer ! Il avait déniché le
bijou chez l’horloger. Il n’avait pas hésité une seconde avant de dépenser tout
l’argent que son père lui avait donné afin de se procurer la plus dispendieuse.
Il était si certain de lui...
Luce afficha un sourire mécanique le reste de la soirée. Ses pensées
retournaient toujours vers Pierre. Elle n’était pas méchante... Elle avait juste
eu envie de s’amuser. La guerre, les responsabilités, son père... Si Pierre
avait pris son temps... peut-être. Ah ! et puis, il y avait tant de choix autour
d’elle. Il n’avait qu’à lui offrir quelque chose de plus excitant qu’un simple
bouquet de fleurs des champs. Elle valait plus que cela, non ! Le fils du
notaire, lui, ne manquerait pas de lui offrir la plus belle des bagues si elle
lui disait oui.
— Je vois bien que tu me caches quelque chose, François-Xavier Rousseau. On est
quand même mariés, depuis presque vingt ans.
Il releva la tête de son journal. Il n’avait soufflé mot de laterrible dispute entre lui et Georges. Il était revenu bouleversé de
Jonquière. Qu’est-ce que Georges avait voulu insinuer par son drôle de
monologue ? Que Jean-Marie et Rolande avaient eu quelque chose ensemble ?
Seigneur, il ne pouvait imaginer une telle histoire. Tout cela le dépassait.
Devant sa mine sombre des derniers jours, Julianna ne se contenterait pas d’une
réponse évasive. Depuis la mort de Barthélémy, leur mariage battait de l’aile.
Elle se dépêchait de se coucher en premier et se recroquevillait le plus loin
possible de lui. Pourtant, ce n’était toujours bien pas de sa faute, la mort de
son petit gars ? Le docteur avait dit que même s’il était arrivé avant, il
n’aurait pas pu faire grand-chose. Mais Julianna semblait ne jamais vouloir lui
pardonner. Il ne pouvait que laisser passer le temps. Déjà, il avait cru sentir
sa femme démontrer moins de froideur envers lui. Il ne voulait pas tout gâcher
en lui avouant que son frère Georges ne voulait plus le voir ; il avait bien
trop peur de la perdre à tout jamais. Les paroles de son beau-frère lui
revinrent à la mémoire. Être le plus important des hommes pour une femme,
ressentir sa valeur. C’était cela, le pouvoir de l’amour. Il voulait le
retrouver.
— Est-ce que c’est au sujet de Pierre ? insista Julianna.
François-Xavier se dit que là était sa planche de salut. Puisque entre deux
maux, il fallait choisir le moindre, il décida de confier le secret de
Pierre.
— Ben oui, justement. On veut pas
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