Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
c’était le cas de le dire.
    — Je pense qu’on n’a pas un mot à dire pis qu’y est pas mal trop tard de toute
     façon, ajouta-t-il en se désintéressant de la lettre.
    — La fin s’adresse à toi, lui dit Julianna avant de lire à voix haute : « Papa,
     oubliez ce qu’on s’est dit avant de partir. Les projets ont changé. »
    Avec un petit rire, il se mit à embrasser sa femme dans le cou.
    — Ben, notre fils est plein de surprises, marmonna-t-il.
    Julianna replia la lettre et voulut se dégager de l’étreinte. François-Xavier
     la retint.
    — Wo ! la jument, blagua l’homme, on se sauve pas avant d’avoir embrassé son
     homme comme il faut, dit-il en la retournant vers lui.
    — Voir si c’est le temps pour des simagrées, François-Xavier Rousseau, fit mine
     de le chicaner Julianna.
    Dans le fond, sous ses airs offusqués, elle adorait quand son mari la bravait
     ainsi. Il devrait faire cela plus souvent. Elle perdait tous ses moyens...
     François-Xavier la colla encore plus contre lui. Il avait l’impression d’être
     redevenu le jeune homme fringant devoilà vingt ans. Il aurait
     fait l’amour à sa femme matin et soir.
    — C’est le temps certain... Yvette vient de partir avec les petits gars
     ramasser des fraises des champs. On pourrait rentrer fêter la nouvelle ?
    — En plein jour ! Pis y a rien à fêter, continua de maugréer Julianna.
    — C’est toujours ben mieux de le voir marin que moine dans un
     monastère...
    — Je te l’avais bien dit que notre fils n’avait rien de la vocation. Il doit y
     avoir une femme derrière tout cela.
    — Les femmes mènent le monde... Mène-moi au septième ciel Julianna,
     mène-moi…

    À son grand étonnement, Pierre apprit très vite les rudiments du métier de
     matelot. Œuvrer sur un bateau de croisière était loin d’être désagréable. On
     respirait le grand air, il y avait un bel esprit de camaraderie et la Steamship Cie mettait tout en œuvre pour que ses bateaux blancs
     soient dignes de sa renommée auprès des nombreux touristes. Pierre ne ressentait
     ni chaud ni froid à être matelot sur Le Tadoussac , pourtant le plus beau
     de la flotte, lui avait juré l’oncle de Luce en lui offrant ce boulot.
    — Un trois-ponts, mon gars, tout blanc, avec deux belles grosses cheminées,
     avait-il précisé. Il a fière allure, mon Tadoussac  ; y a pas un couple de
     nouveaux mariés qui rêvent pas de se payer Le Tadoussac pour leur lune de
     miel ! Pis sans parler des riches anglais ; tu vas te faire ben du pognon rien
     qu’à tendre la main à ces dames pour les aider à monter la passerelle. Alors,
     que c’est-t’en dis ? Y a un morveux qui nous a lâchés la semaine dernière. Il
     faut que je le remplace. La job est pour toé, si tu veux, mon gars.
    Pierre avait peine à décoder le flot des paroles de l’homme,attablé devant lui, qui se coupait des morceaux de fromage qui auraient pu
     nourrir une famille de dix enfants !
    — T’en veux pas ?
    Pierre resta interdit. Parlait-il de l’emploi ou du fromage qu’il lui
     brandissait sous le nez depuis le début de son monologue ?
    — Écoute, mon gars, si tu changes d’idée, t’as rien qu’à te pointer au quai à
     soir à cinq heures. Astheure, mange, tu te laisseras toujours ben pas mourir de
     faim.
    L’oncle n’avait plus ouvert la bouche que pour avaler d’épaisses tranches de
     pain sur lesquelles il déposait ses gigantesques morceaux de fromage. Quant à
     lui, Pierre se sentait incapable d’avaler quoi que ce soit. Il réussit à
     marmonner une formule de politesse et prit congé sans que son hôte fasse un
     mouvement pour le retenir. Pierre retourna au bout du quai. Il n’avait plus
     envie de vivre… Pourquoi l’oncle de Luce ne l’avait-il pas laissé dormir, ici,
     roulé en boule, dormir d’un sommeil si profond que jamais il n’eût été capable
     d’en revenir ? Il s’avança jusqu’à l’extrémité de la jetée. À gauche, le nord ;
     à droite, Québec, derrière, Saint-Ambroise ; devant… un fleuve à traverser. À
     gauche, l’inconnu ; à droite, se perdre dans la ville anonyme ; derrière, rien à
     espérer ; devant, un bateau où naviguer... C’était cela, être à la croisée des
     chemins. C’était cela, être un homme, emprunter le sentier de son choix. À cinq
     heures précises, il fit part à monsieur Gagnon de sa décision. La
     Steamship avait comblé le poste de

Weitere Kostenlose Bücher