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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Peut-être le nord. Retourner en arrière vers Saint-Ambroise, cela lui semblait
     au-dessus de ses forces. Emprunter la route vers Québec d’abord ? Mais à la
     pensée de la foule de la grande ville, un haut-le-cœur le prit. Non, pas le sud…
     Il aurait voulu se rouler en boule, se coucher sur le bord de l’eau et laisser
     le ressac l’emporter à sa bonne volonté, comme la coquille vide qu’il était
     devenu. Qu’est-ce que la vie attendait de lui ? Qui était Pierre Rousseau ? Il
     dénoua le ruban du bouquet de fleurs et en retira la bague. De main en main, il
     fit sautiller le bijou. Il n’était pas et ne serait jamais un religieux. Il
     n’avait pas été soldat, il ne serait jamais un mari... Un Pierre Rousseau de
     plus ou de moins sur la terre, quelle différence ? Son père lui avait dit qu’il
     était fier de l’avoir pour fils. Quelle farce ! Jamais il ne pourrait avouer son
     comportement insensé de la semaine. Il avait perdu la face, la tête, la raison,
     la joie, le goût de vivre... Il avait perdu Luce. Ah ! Luce, le visage de Luce,
     le sourire de Luce, le corps de Luce… dans les bras d’un autre homme...

    Georges prit la bouteille et la déposa au milieu de la table. D’un geste
     déterminé, il remplit son verre. Pendant un long instant, il se contenta de le
     faire tourner entre ses doigts, mirant, à travers la vitre, le liquide
     transparent. À côté, deux photographies. Une d’Elzéar en habit de soldat,
     souriant d’un air moqueur à l’objectif. Elzéar, mort à la guerre, en sifflant,
     en héros... L’autre image, c’était sa préférée. Celle où lui-même était assis
     sur sa plus belle chaise, sortie pour l’occasion sur le terrain avant de son
     anciennemaison de Saint-Ambroise. Autour de lui, ses enfants
     issus de ses deux mariages. À ses côtés, une main sur l’épaule, Rolande penche
     la tête, visiblement gênée par l’objectif. Rolande avait toujours été timide. Il
     passa un gros doigt sur la silhouette vêtue de noir de sa jeune épouse. Hélène
     n’était pas encore au monde à ce moment. Malgré que la petite ait été sauvée des
     flammes, pour Georges, le bébé de Rolande était mort cette nuit-là aussi... De
     grosses larmes se mirent à couler sur son visage vieilli prématurément par le
     chagrin. Il leva son verre et le cala d’une traite. Il le remplit de nouveau.
     Plus il buvait, plus il pleurait. Ce n’était pas la première fois qu’il se
     laissait aller ainsi à ce rituel. Ces images lui apportaient le seul réconfort
     possible. C’était tout ce qui lui restait. Cette fois, il trouva le courage
     d’ouvrir l’enveloppe que Pierre lui avait laissée. Elle contenait non pas une
     autre lettre de Jean-Marie l’implorant de lui pardonner et de venir le visiter,
     mais un encadrement d’une photographie représentant un moine, debout sous un
     arbre et qui vous regardait droit dans les yeux, d’un regard anxieux. Georges
     prit le cliché de Jean-Marie et le mit près des deux autres. Il se versa de
     nouveau à boire. Mais les larmes étaient taries. Quand il se rendit compte que
     la bouteille était vide, il alla la remplir encore d’eau. Il ne touchait plus à
     une goutte d’alcool. Pas vraiment à cause des paroles de François-Xavier... Non,
     parce que l’alcool altérait sa mémoire. Il ne voulait pas oublier, oh non !
     surtout ne pas oublier… Ne pas oublier la plénitude de recouvrir le corps de
     Rolande du sien, la tendresse de ses enfants, la fierté d’avoir un fils héroïque
     et… la haine pour l’autre, celui qui ne portait plus son nom.

    L’oncle de Luce courut vers le corps de Pierre. Comme à son habitude, l’homme,
     levé à l’aube, s’était rendu au quai. Beau temps, mauvais temps, il allait faire
     son inspection des lieux. Il ramassaitles débris ramenés par la
     marée, les détritus qui traînaient, jetés négligemment par leurs anciens
     propriétaires. Il vérifiait l’état des amarres. Malgré la pénombre du matin, il
     remarqua immédiatement la forme inerte, couchée en chien de fusil, à l’extrémité
     de la jetée. Le cœur battant, il se pencha sur le pauvre homme qu’il reconnut
     immédiatement. C’était le jeune ami de Luce. Avec soulagement, il se rendit
     compte que celui-ci respirait. Pauvre jeunesse... Encore un autre qui ne savait
     pas boire. Avec pitié et même un certain mépris, l’oncle de Luce secoua Pierre
     afin de

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