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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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avec
     la face d’enterrement de son jeune frère. Elle n’allait pas gâcher la plus belle
     journée de sa vie. Elle ne voulait rien rater, elle voulait tout voir, tout
     sentir, tout savourer. Enfin, elle était à Montréal. Elle trépignait
     d’impatience. Elle ne ressentait ni la fatigue ni la faim. Elle huma l’air et
     aima l’odeur âcre de la locomotive. Elle tourna un peu sur elle-même et jeta un
     regard circulaire sur la gare. Elle adorait ce brouhaha, ces gens pressés, ces
     femmes bien habillées, ces hommes à l’air important. Elle était loin de sa
     campagne... Un court instant, la honte de ses vêtements un peu démodés vint
     ternir sa joie, mais le regard admirateur d’un voyageur appréciant sa
     silhouette, tout en s’allumant une cigarette, dissipa rapidement sa gêne. Elle
     se promit qu’un jour, elle porterait les atours les plus somptueux.

    Pierre klaxonna et pesta contre la circulation de Montréal. Il
     était en retard. Comment se faisait-il que tant de personnes décidaient, en même
     temps, d’être au même endroit ? Conduire sa voiture sans l’égratigner tenait du
     prodige. Il devait avoir des yeux tout le tour de la tête. Les piétons
     traversaient n’importe où, les bicyclettes le dépassaient sans qu’il ait eu la
     chance de les voir venir. Un camion reculait et bloquait la route. Tout cela,
     sans compter les trous dans la chaussée qui risquaient de provoquer une
     crevaison à tous les coins de rue. Pierre n’aimait pas beaucoup Montréal. À la
     pensée de sa famille qui devait l’attendre à la gare, le souvenir de
     Saint-Ambroise remonta en force à sa mémoire. Il aurait été doux de conduire sur
     les routes de sa campagne, filant à grande vitesse sans… sans un damné gamin qui
     courait derrière un chien !
    — Attention ! cria Pierre en espérant désespérément éviter l’enfant.
    Dans un crissement de freins, il alla aboutir sur le trottoir, s’écrasant
     contre un panneau de signalisation.

    Mais qu’est-ce qu’il faisait ici ? se désolait François-Xavier. Pourquoi avoir
     cédé à Julianna et avoir fait ce voyage ? Pour Léo, oui, mais c’est Julianna qui
     aurait dû le faire, ce voyage. Il avait oublié à quel point il détestait le
     simple fait de se retrouver dans cette ville maudite. François-Xavier
     soupira.
    — Mettons nos bagages par terre dans ce coin pis attendons.
    Pourquoi sa vie lui échappait-elle ainsi ? Était-il né sous une mauvaise
     étoile ? Dans ces moments de désarroi, il se remémorait le drame de son
     beau-frère Ti-Georges. Immanquablement, il en arrivait à la conclusion qu’il
     était mieux de ne pas trop se plaindre.Presque tous ses enfants
     étaient encore de ce monde. Il prit Léo par la main et le fit asseoir sur une
     valise. Il s’adressa à Mathieu.
    — Tu sais, mon grand, si tu préfères coucher chez ta tante Marie-Ange, je suis
     ben certain qu’on peut s’arranger.
    Le jeune homme refusa.
    — Non, ça fait mon affaire d’aller chez mon parrain.
    — Bon, si t’es certain.
    — Yvette tu t’éloignes pas, je t’ai dit !
    — Papa, je suis plus une enfant !
    — Assis-toi donc un peu. Ton frère nous a toujours ben pas oubliés…
    En silence, ils attendirent. La gare se vida petit à petit des derniers
     voyageurs. Nulle trace de Pierre. Puis, le brouhaha reprit en sens inverse.
     D’autres passagers arrivaient pour prendre un train.
    —  All aboard, all aboard ! cria un homme en uniforme.
    Un autre employé de la gare, qui les avait remarqués, vint leur demander si
     tout allait bien.
    —  Everything’s o.k., Mister ? Can I help you ?
    Découragé, François-Xavier releva la tête. Se mettant debout, il réveilla Léo
     qui s’était assoupi, la tête sur son épaule. À la vue de l’homme, son jeune fils
     se mit à hurler. François-Xavier essaya de le calmer.
    — C’est pas de sa faute, voulut expliquer François-Xavier.
    Mais l’employé ferroviaire s’en retournait, une expression choquée sur le
     visage.
    — C’est pas de sa faute, répéta à voix basse François-Xavier. Il a jamais vu un
     nègre avant…
    Exaspéré, il songea à rembarquer tout son monde dans un train et repartir à
     Saint-Ambroise. Il y avait déjà tant de nuits qu’il dormait mal, pensant à son
     nouveau travail qui l’attendait, à Léo et cette école spéciale, Yvette à
     Montréal, Julianna qui cherchait unappartement et semblait voir
     ce

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