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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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te manger la laine sur le dos.
    — Vraiment Yvette, j’ai dix-sept ans, je peux avoir de l’autorité s’il le
     faut.
    Yvette avait souri à la future religieuse. Elle aimait tant Laura, son unique
     sœur. Elles avaient partagé maints secrets toutes les deux, collées dans leur
     lit, ne pouvant s’endormir que si elles se tenaient la main. C’est dans les bras
     d’Yvette que Laura avait pleuré pour le garçon qu’elle trouvait si beau, mais
     qui lui avait dit qu’elle était laide à faire peur ! C’est à Laura qu’Yvette
     avait confié qu’elle comptait bien s’arranger pour ne pas revenir de
     Montréal.
    — Je vas trouver un moyen, ma Lolo, mais j’te jure que je remets plus les pieds
     à Saint-Ambroise.
    — Ça veut dire que je te reverrai plus, parce que moi, je vais prendre le
     voile, tu le sais.
    — Laura… écoute-moi bien. Si jamais tu as besoin de moi, où que tu sois,
     fais-moi signe pis je te jure que je vas venir te chercher. Voile ou pas, tu vas
     être avant tout ma petite sœur, que tu changes de nom ou pas, qu’on t’empêche de
     nous voir ou pas. Tu m’entends, y a pas une porte, un mur, un couvent que je
     défoncerais pas.
    Laura était partie à rire.
    — Si j’avais ton caractère, Yvette, c’est pas une religieuse que je
     ferais !
    — Ah non, ce serait quoi ?
    — Je serais premier ministre du Québec !
    — Ben oui, pis il va neiger en juillet itou ! En tout cas, laisse-toi pas avoir
     par Jean-Baptiste pendant que tu vas garder.
    Laura se frotta les yeux de lassitude. Elle aurait dû prendre les
     avertissements de sa sœur plus au sérieux. Jamais elle n’aurait cru que veiller
     sur ses petits frères serait si exténuant. Si elle n’avait pas eu l’idée
     saugrenue de préparer un repas qu’elle n’avait jamais cuisiné auparavant aussi !
     Tout allait mal. La farine servant à épaissir le ragoût avait brûlé, les
     galettes étaient minces et dures comme des galets de rivière et elle avait
     renversé du lait par terre juste après avoir lavé les planchers salis par
     Jean-Baptiste. Il lui fallait recommencer. En plus, elle avait voulu rendre
     service à sa mère et avait décroché les rideaux pour les faire tremper dans un
     bassin d’eau bouillante. Elle venait de se rendre compte que le tissu ne
     résistait pas à ce traitement trop coriace. Ils avaient déteint et flottaient
     maintenant dans une eau tiède et rougeâtre. Elle qui avait imaginé la joie de sa
     mère, de retour de Chicoutimi où elle passait la semaine, quand elle aurait vu
     ses jolis rideaux à carreaux blancs et rouges lavés et repassés, ne portant plus
     aucune trace jaunâtre ! D’un coup sec, elle décolla les pâtisseries de la tôle
     en les retournant sur un linge de cuisine propre. En mettant plus épais de
     crémage sur le dessus, les enfants se régaleraient quand même, enfin, elle
     l’espérait. Elle retira le chaudron de ragoût du feu et se tourna vers Chapeau
     qui attendait visiblement que Laura comprenne ce qu’il tentait de lui dire
     depuis de longues minutes.
    — Bon, je pense que le mieux, c’est que tu me montres.
    Heureux, l’Amérindien la guida vers l’extérieur.
    Elle s’essuya les mains et laissa Chapeau la guider jusqu’au hangar. Derrière
     le bâtiment, elle y trouva accroupi le long du mur Jean-Baptiste, le teint
     blafard, se tenant le ventre à deux mains. Il avait manifestement vomi toutes
     ses tripes. Zoel et Adélard, quant à eux, semblaient pétrifiés, regardant Laura
     d’un air honteux, lapipe et la blague à tabac de leur père
     entre les mains. Elle comprit. Un instant, elle hésita sur l’attitude à
     adopter.
    — Vous deux, dit-elle en désignant les plus jeunes, donnez-moi ça, pis montez
     vous coucher sans souper.
    Laura prit les objets de leur délit entre ses mains et regarda longuement
     Jean-Baptiste. Il semblait vraiment mal en point. Dans son cas, se passer de
     repas ne serait pas une grande punition.
    — Bon, puisque à quatorze ans, tu juges que t’es rendu un homme pour fumer, ça
     veut dire que tu peux me couper tout le tas de bois qu’il y a en arrière de la
     maison et le corder, pis tout ça avant la noirceur, hein Jean-Baptiste ? Pis si
     jamais t’as pas fini, ben tu pourras continuer demain, pis l’autre demain, pis
     l’autre, l’autre demain. Ouais, à bien y penser, je pense que t’auras pas trop
     de toute la semaine pour le faire… En tout cas,

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