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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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nouveau déménagement comme l’aventure la plus excitante qui soit quand lui,
     il stressait au plus haut point. Mathieu sortit de sa poche un bonbon et le
     tendit à Léo. Le garçon oublia sa mésaventure et se rassit, docile.
     François-Xavier apprécia ce geste inattendu de la part de Mathieu. Peut-être
     l’avait-il mal jugé ? Peut-être devait-il faire un effort pour tenter un
     rapprochement avec lui ? Il passa un bras autour des épaules de Mathieu. Malgré
     lui, son étreinte fut maladroite. Il ne serait jamais à l’aise avec son second
     fils. Il se força à lui sourire. Puis son visage s’éclaira vraiment. Il venait
     d’apercevoir la tête rousse de son aîné. Une bouffée d’amour l’envahit.

    Mathieu serra les poings. Il devina tout de suite la cause de ce changement
     d’humeur sur le visage de son père. Son frère Pierre venait à leur rencontre.
     Pierre le plus vieux, Pierre le héros, Pierre le martyr, le miraculé, saint
     Pierre... Ses blessures étaient physiques, reconnues, visibles. Les siennes,
     personne ne voulait connaître leur existence. Pierre, on le plaignait ; Mathieu,
     on l’ignorait. Son frère fendait la foule, à grandes enjambées, d’un pas
     déterminé et solide. Mathieu l’observa pendant qu’il serrait chaleureusement la
     main de leur père, ébouriffait les cheveux de Léo, prenait Yvette par la taille
     et la faisait virevolter en riant avant de la taquiner d’une chiquenaude sur la
     joue. Yvette lui répondait avec des yeux brillants, un réel attachement
     fraternel les unissant. Mathieu s’était toujours senti de trop... Il n’avait pas
     de place dans cette famille. Il n’avait pas de souvenir de sa petite enfance.
     Avant ses sept ou huit ans, c’était un voile noir. Il ne savait d’où venait ce
     blocage. Il détourna son regard et observa la locomotive. Pierre s’approcha de
     lui pour le saluer.
    — Bonjour, le p’tit frère. Tu t’es décidé à grandir un peu !
    Mathieu ne répondit pas. Pierre le dépassait d’une bonne tête.
     De toute façon, il savait pertinemment que tout ce cirque n’était que pure
     politesse. Mathieu aurait eu un étranger devant lui qu’il n’aurait pas vu de
     différence. Pierre enjoignit le groupe à se dépêcher parce que leur tante
     Marie-Ange les attendait avec un repas digne de la visite royale. Il s’excusait
     de son retard, disait qu’il avait eu un accident avec sa voiture, non, rien de
     grave, juste amoché un peu le pare-choc, un peu de débosselage et son Plymouth
     redeviendrait neuf…
    En retrait, Mathieu prit sa valise et suivit à pas lents sa famille. La
     tentation fut grande de rester planté là, rien que pour voir à quel moment les
     autres remarqueraient son absence. Comme c’était futile ! Il se retrouverait
     vite fin seul, abandonné dans cette gare nauséabonde. Il accéléra le pas.

    Pour la troisième fois au moins, Laura répéta à l’Indien qu’elle ne parvenait
     pas à saisir ce qu’il tentait de lui dire.
    — Chapeau, je comprends pas ! se désolait-elle.
    Elle était affairée dans la cuisine à préparer le souper de ses trois frères
     qu’elle gardait quand l’Amérindien avait fait irruption, tout énervé. Avec de
     grands gestes et ses drôles de couinements, il tentait de lui faire comprendre
     quelque chose. Laura s’impatienta. Ce n’était déjà pas facile de surveiller ces
     chenapans d’Adélard et de Zoel qui croyaient que l’absence de leurs parents
     rimait avec permissivité totale, sans en plus prendre en charge un Indien !
     Laura aurait aimé pouvoir s’appuyer sur Jean-Baptiste, mais celui-ci ne donnait
     guère l’exemple. Il ne lui rendait aucun service et passait son temps à tout
     mettre en désordre. Il avait sali le plancher comme un cochon et avait ri d’elle
     quand elle lui avait demandé de nettoyer son dégât.
    — Tu rêves en couleur, ma grande sœur ! Je suis pas une fille
     pour tenir une guenille !
    Avec un air hautain, il était retourné à l’extérieur, faisant claquer ses
     chaussures boueuses. À son couvent, Laura était habituée à l’ouvrage. Ce qui
     l’étonnait, c’était le refus d’obéir de son frère. Jamais une novice n’aurait
     osé tenir tête à une supérieure. Yvette l’avait avertie de s’attendre à avoir un
     peu de fil à retordre.
    — Jean-Baptiste, tiens-le serré. Il a jamais eu la corde lousse. Sinon, j’te
     donne pas deux heures qu’il va

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