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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Lariboisière, mais elle déteste les mamelouks, si chers à notre Empereur, ce qui suffirait à nous discréditer ! Nous sommes près de cinquante mille, mais beaucoup de nos soldats sont atteints de la vérole, cette alliée des insurgés. Si l’insurrection se généralise, ce dont je suis persuadé, ce sont des millions d’hommes que nous aurons à combattre. Imagine la France occupée par les Anglais ou les Russes. En Espagne, ce serait pire !
    Nous commandâmes une autre cruche de valdemoro, que nous bûmes avec nos compagnes, lasses de leur chevauchée et de la chaleur. De temps à autre, des coups de feu retentissaient dans les parages, et il ne s’agissait pas de pétards pour feux de joie. Il était temps de retourner à nos domiciles respectifs.
    Marbot logeait dans l’hôtel particulier d’un majordome, plaza Santo Domingo, et avait son poste, comme moi, au Palacio Grimaldi, occupé par Murat. Il tenait de son logeur des avis judicieux sur la situation.
    « Mes compatriotes, lui avait-il dit, sont attachés à leur souverain comme à Dieu, avec une sorte de fanatisme. Ils avaient fini par être excédés par l’incurie du vieux roi, les mœurs de catin de la reine et le faste insolent de ce brigand de Godoy. Tous leurs espoirs reposaient sur le jeune Ferdinand, mais cette larve semble devoir rester à jamais dans sa chrysalide… »
    Ce que le majordome jugeait le plus affligeant, c’était le manque de nouvelles de l’entrevue de Bayonne. Le départ du reliquat de la cour avait mis le feu aux poudres. Il n’était plus besoin de nouvelles : l’Espagne était veuve de son roi.
     
    Nous avons quitté la Casa del Campo dans les premiers feux du soir. Des sonneries de cloches nous venaient par bouffées sonores des quatre coins de la ville, avec des claquements secs de fusillades. La soirée s’est terminée chez Marbot, avec un repas préparé par nos deux compagnes.
    Une lettre de Juliette m’attendait à mon domicile. Elle se disait surprise et inquiète de ne plus recevoir de réponses à ses lettres. Et pour cause : une sur trois ou quatre me parvenait…
     
    Le 1 er  mai au soir, notre voisin de palier, don Pedro Alvarez, chef d’un service de l’ayuntamiento, quitta son appartement pour aller déposer son courrier à la Casa del Coreo, calle del Arenal. Selon son habitude, il s’arrêta au retour dans une taverne pour savourer un verre de jerez en fumant sa pipe. L’agitation de cette artère, d’ordinaire des plus calmes, lui parut insolite, mais il s’en soucia peu, d’autant que l’on venait de procéder à une prise d’armes sur la plaza del Sol, avec une belle parade de mamelouks.
    Il avait à peine avalé sa première gorgée de jerez qu’un homme d’apparence ordinaire s’assit près de lui, déploya une gazette et entama la conversation. Il souhaitait informer son voisin d’un différend qui l’opposait à l’administration.
    —  Se ñ or , lui répondit don Pedro, ceci n’est pas de mon ressort et, de plus, je n’ai pas l’honneur de vous connaître.
    — Mon identité, répliqua le quidam, importe peu en l’occurrence, mais je connais votre compétence et je suis prêt à payer votre aide pour faire aboutir cette affaire à mon avantage, sinon je suis ruiné. Je puis vous montrer les pièces du dossier si vous consentez à me suivre. J’habite calle de la Abada, près du théâtre, à deux pas d’ici.
    — Soit… soupira don Pedro. Je termine mon verre et je vous suis, mais j’espère en finir vite. Je n’aime pas marcher la nuit en ville, surtout depuis les événements.
    — Rassurez-vous : je vous raccompagnerai.
     
    Tard dans la soirée, alors que Josefa et moi achevions notre souper, la gouvernante de don Pedro nous informa que son maître, contrairement à ses habitudes, n’était pas rentré et qu’elle allait devoir remettre sa soupe à chauffer. Je lui conseillai d’attendre encore une heure avant d’alerter les alguazils de la police pour entreprendre des recherches.
    Elle ne s’était pas retirée depuis un quart d’heure que nous avons entendu ses cris. Son maître venait de lui être ramené par trois policiers, mais en piteux état : le ventre ouvert et plus mort que vif. Josefa pensa alerter un médecin, mais à cette heure de la nuit et avec le désordre qui régnait en ville il aurait refusé de se déplacer. J’aidai

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