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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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toute réunion soit dispersée, sous peine d’être exterminée. Tout individu appréhendé dans une de ces réunions sera passé par les armes sur-le-champ. »
    — Tu as bien lu, Puymège, me dit Marbot. Des ordres « sévères et irrévocables ». Tel que je connais Murat, ce ne sont pas des menaces en l’air. Lis la réponse d’Arias Mons, le gouverneur. Un modèle d’hypocrisie !
    Je me penchai sur le texte :
    « Aucun des sujets de Sa Majesté ne doit maltraiter ni en paroles ni en actes les soldats français, mais au contraire leur dispenser la considération et l’aide nécessaires. »
    Réaction violente de Marbot :
    — C’est se foutre du monde ! Chacun sait que cette consigne ne sera pas respectée. Rends-toi sur la plaza del Sol, et sur celle de la Cebada ! Tu y verras des milliers d’habitants et de paysans des environs réunis comme pour nous provoquer et attendre que nous les attaquions !
    — Cela pourrait être pire, rétorquai-je. Imagine que les autorités espagnoles décident de mettre leurs troupes en marche et d’armer les insurgés ! Le mieux, à mon avis, serait de consigner nos propres troupes dans leur casernement, dans Madrid ou ailleurs, et de laisser pourrir la situation.
    Marbot sursauta.
    — Va dire ça à Murat et ça risque de barder pour ton grade !
    Ce que nous ne savions pas, c’est que ça  bardait  également dans le Conseil de Castille, quelques membres refusant de rester les bras croisés et demandant que l’on distribuât armes et munitions aux insurgés, les autres se refusant à toute effusion de sang. On en venait presque aux mains.
    Dans la ville, les insurgés passaient dans chaque maison pour récolter des escopettes, des carabines ou de simples navajas. Ils pillèrent les boutiques des armuriers, forcèrent les portes de l’Armurerie royale, une sorte de musée historique, en ressortirent armés de colichemardes et de hallebardes datant de Charles Quint, engoncés dans des armures et coiffés de morions. Quand la foule se présenta devant les dépôts d’armes et de munitions, ce fut une autre affaire…
    Qui étaient ces gens soudain animés d’une folie patriotique et religieuse ? Il est un peu sommaire de dire qu’il s’agissait d’habitants auxquels s’étaient mêlés  campesinos , moines et curés. Le registre était plus large.
    Ces « réunions » dont parlait Murat étaient dans leur majeure partie composées de gens du peuple vêtus de vestes brunes leur descendant à la ceinture, de culottes ouvertes au niveau des genoux, le front ceint de mouchoirs de couleur. Ils étaient sortis de leurs boutiques, ateliers, chantiers, armés de navajas d’Albacete ou de Tolède, à cran d’arrêt, à lame de deux empans (environ quarante centimètres) de long, presque aussi redoutables que des sabres. Les plus excités venaient des bas-fonds, des quartiers à tripots et à bordels de Lavapiés et de la Paloma, accompagnés de prostituées et de filles de tavernes.
    On pouvait reconnaître les paysans à leur allure fruste et farouche, aux faucilles, haches et bêches qu’ils brandissaient avec des hurlements inarticulés, motivés par ces seules évidences : on avait enlevé leur roi, malmené leurs curés, il leur fallait les venger…
    Il se mêlait à ce magma des bourgeois, négociants, officiers civils, artistes, auteurs dramatiques reconnaissables à leur tenue élégante, à leur chapeau rond et aux pistolets et carabines dont ils étaient armés.
    Aucune cohérence dans ce conglomérat, aucune bande vraiment organisée, aucun chef. Cette marée incoercible était une proie idéale, me disais-je, pour les charges de cavalerie, comme pour l’artillerie.
    Tandis qu’ils vociféraient et parcouraient les rues au galop pour quérir des armes, chercher des Français à égorger, des escadrons, sur l’ordre de Murat, sortaient de leur caserne de Carabanchel et se dirigeaient vers la puerta de Toledo, sous le commandement du général de brigade Rigaud, pour se rendre plaza Mayor et plaza de la Cebada, où l’excitation était à son comble.
    J’étais présent lorsque cette force armée, précédée du roulement des tambours, pénétra au trot dans Madrid en parfait ordre de marche, étincelante et cliquetante. Elle comptait environ un millier de cuirassiers sur lesquels crépitaient les premiers feux du

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