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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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hennissements d’agonie. Des insurgés sautaient en croupe, déterminés à trancher à la navaja la gorge des mamelouks, lesquels, dans l’incapacité de recharger leurs pistolets, usaient de leurs cimeterres ou fendaient des crânes avant d’être désarçonnés et de sombrer dans la masse effervescente qui en faisait une bouillie sanglante.
    J’ai eu, quelques années plus tard, l’occasion de contempler le tableau par lequel Goya évoque magnifiquement cette bataille. Le vieil artiste n’était pas présent sur les lieux, cela va sans dire, mais il en a restitué la fureur, la couleur et le mouvement, avec une vérité hallucinante.
    Une trentaine de mamelouks ont payé de leur vie cet événement historique que ni la France ni l’Espagne ne pourront oublier. Mustafa fut l’un des premiers à avoir la gorge tranchée. Accouru, avec ce qu’il restait des mamelouks, au secours de l’escadron sacrifié, le général Dumesnil eut deux chevaux tués sous lui et n’échappa que de justesse aux  navajeros .
     
    La ville baignait dans une ambiance de guerre quand je croisai Marbot, furieux, des traces de sang sur son uniforme. Il venait de se trouver aux prises avec les habitants d’un immeuble appartenant au duc de Hijar. Ils s’acharnaient sur les victimes, tuées ou blessées par des tireurs embusqués aux croisées, les dépouillaient et les dépeçaient.
    — Il m’a fallu, me dit Marbot, menacer ces vautours de les massacrer pour qu’ils déguerpissent, mais ils sont partis se battre ailleurs. J’ai reçu un coup de navaja au bras. Ça saigne, mais ce n’est rien de grave.
    Il m’informa que Murat venait de prendre la tête de deux bataillons, de quelques escadrons, et de donner l’ordre aux unités disséminées aux alentours de pénétrer dans la ville. L’affrontement risquait de tourner au massacre si les insurgés maintenaient leurs actions. Un bruit de canonnade proche interrompit notre conversation, alors que j’allais lui parler des dangers que j’avais moi-même affrontés. Retour de la puerta de Fuencaral, un aide de camp du général Moncey nous apprit d’une voix haletante que les insurgés s’étaient emparés d’un parc de canons et avaient commencé un feu d’enfer, sans aucune méthode. Il avait suffi de la charge d’un escadron du général Legrand pour mettre un terme à ce feu d’artifice improvisé.
    Dans les minutes qui suivirent ma conversation avec Marbot, nous vîmes défiler ce qu’il restait des quatre-vingts mamelouks, la plupart à pied, leurs uniformes flamboyants tailladés à coups de navaja. Ils laissaient derrière eux des traces de sang, mais paraissaient fiers encore, le regard dur et un rictus de haine sous la moustache. Certains de ces rudes cavaliers pleuraient en lançant le nom de leur héros sacrifié, le grand Mustafa, dont on n’avait pas retrouvé le cadavre, probablement méconnaissable.
     
    L’insurrection avait débuté aux premières heures de la matinée. Il était deux heures de relevée sans que les affrontements eussent perdu de leur intensité, sans qu’aucun quartier parût épargné, malgré la vastitude de cette ville. La chaleur, le crépitement de la fusillade, le grondement de l’artillerie, les hurlements de la foule et l’odeur de la poudre me rappelaient les pires moments des batailles impériales, celle de Tilsit notamment, où j’avais failli laisser une jambe.
    Notre artillerie avait été sortie du parc pour être conduite sur les lieux de l’action. Contre elle, aucun recours, si ce n’est la fuite. Persuadés que les Français renonceraient à s’en servir, les rebelles agitaient leurs armes à la bouche des canons. Après plusieurs bordées de boulets à mitraille, les survivants se replièrent dans les maisons les plus proches ou dans les ruelles adjacentes, tandis que, des fenêtres, on tirait à l’escopette et à la carabine sur les canonniers.
     
    J’appréhendais une sorte de Saint-Barthélemy quand, à proximité du quartier général où je me rendis pour confier Marbot, menacé d’une défaillance, à un chirurgien, je fus stupéfait et effrayé de voir des cavaliers espagnols fondre sur nous. Je m’apprêtais à sortir mes pistolets prudemment rechargés, quand je constatai qu’ils brandissaient des mouchoirs blancs à la pointe de leurs épées.
    Je reconnus avec soulagement des éminences du Conseil

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