Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
Vom Netzwerk:
celui qu’il traquait avait également tué cette actrice ? Quel sens donner – si tant est qu’il y en eût un – à cette langue coupée ? Margont, indécis, égaré dans les hypothèses, s’acharnait à découvrir un lien entre ces éléments disparates pour les organiser dans le bon ordre.
    Le soir même, tandis qu’il racontait à Lefine son entretien avec le prince, il reçut la liste des invités. Presque deux cents noms d’officiers du 4 e corps. Et Triaire précisait que cette énumération était forcément incomplète. Chose prévisible, les noms des quatre suspects y figuraient.

 
    17.
    La marche reprit son cours fastidieux. La route de Moscou, joliment bordée de bouleaux, était si poussiéreuse que les poumons la maudissaient à chaque inspiration. Tantôt on avançait péniblement sous une chaleur écrasante et on se jetait sur le moindre point d’eau croupie, quitte à attraper la diarrhée. Tantôt on se retrouvait trempé jusqu’à l’os par la pluie ou mitraillé par la grêle. La nuit, on grelottait de froid et on dormait trop peu. Tout paraissait décidément excessif, démesuré dans ce pays qui ne semblait pas à l’échelle de l’homme. Et, en permanence, il y avait cette odeur de putréfaction répandue par les milliers de cadavres de chevaux, odeur d’autant plus détestable qu’elle annonçait les carnages à venir. Plus du tiers de l’armée était malade ou en maraude et les trois quarts des quatre-vingt mille chevaux partis en campagne avaient péri. Mais on continuait à progresser sous une chaleur étouffante dans un pays fait de plaines, de collines, de marécages, de forêts et de cendres.
    Jérôme Bonaparte, frère de l’Empereur, roi de Westphalie et médiocre stratège amplement dépassé par le commandement du 8 e corps, manoeuvra particulièrement mal. Il laissa passer une occasion d’attaquer l’armée de Bagration. Napoléon, furieux de cette faute qui permit à cette armée russe d’échapper à la destruction, le destitua. Jérôme, de dépit, quitta l’armée avec sa Garde royale pour rentrer chez lui. Les conséquences de cette erreur furent très lourdes : les deux armées russes s’étaient presque rejointes et Barclay de Tolly et Bagration purent se réunir à Smolensk, l’une des plus importantes et des plus belles cités de Russie. Les Russes se montraient décidés à la défendre coûte que coûte. « Enfin je les tiens ! » s’exclama Napoléon. Le 16 et le 17 août, la bataille fit rage. Les Français s’étaient déjà emparés d’une grande partie de la ville lorsque, dans la nuit du 17 au 18 août, Barclay de Tolly ordonna une nouvelle fois la retraite.
    Bagration était ulcéré. Les deux généraux se révélaient en tout point opposés. Barclay de Tolly était d’un tempérament froid. Doté d’un calme à toute épreuve, il se montrait poli, patient et méthodique. Infatigable, il lui arrivait fréquemment de sauter un repas. Général très capable, il persistait à appliquer la tactique de la terre brûlée alors que son état-major, ses soldats et le peuple russe étaient unanimement contre. Son impopularité croissait avec la progression de l’armée française. Bagration, lui, apparaissait nimbé d’une aura d’héroïsme et on le louait de Saint-Pétersbourg jusqu’en Sibérie. Il était combatif, courageux jusqu’à l’intrépidité et chaque pas en arrière de l’armée russe le mortifiait. Mais l’objectif primordial de Barclay de Tolly restait de conserver ses troupes. Or poursuivre le combat à Smolensk aurait rendu hypothétique toute manoeuvre de retraite. Les Russes auraient été gênés par les rues encombrées et auraient probablement terminé leur mouvement rétrograde au fin fond du Dniepr, le fleuve qui traversait la ville. L’armée russe quitta donc ses positions durant le répit de la nuit, emportant l’icône de Notre-Dame de Smolensk et incendiant la ville.
    Le 4 e corps n’atteignit Smolensk que le 19, trop tard pour participer à l’affrontement, mais bien assez tôt pour en constater les conséquences.
    *
*   *
    Chacun de leur côté, Lefine et Margont avaient récolté des renseignements sur leurs suspects. Trois jours plus tôt, ils avaient décidé de dresser ensemble le récapitulatif de ces investigations en arrivant à Smolensk. Depuis lors, Lefine avait disparu. Margont l’avait fait rechercher en vain et s’inquiétait de plus en plus.
    Smolensk avait brûlé aux trois

Weitere Kostenlose Bücher