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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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Il se déplace partout avec ses courtisans qui passent au grade supérieur quand ils ont bien su le flatter. Il prétend qu’il est issu d’une interminable lignée de militaires hollandais et français : les uns auraient libéré Copenhague, les autres l’Amérique... Allez savoir si tout cela est vrai. Il parle effectivement hollandais, ça, c’est confirmé. Il a épousé une belle et riche héritière et possède un château près de Nancy. Il a été promu officier de la Légion d’honneur... mais en décembre 1808. Étonnant, non ?
    — En 1808 ? Deux ans après Iéna ? On a mis beaucoup de temps à le récompenser.
    Lefine se montrait radieux. Il avait l’amour du travail bien fait et peu de choses le comblaient autant qu’une maison intelligemment construite ou un meuble ajusté avec soin, surtout quand tout cela lui appartenait.
    — J’ai retrouvé un ancien lieutenant au 16 e léger qui était avec lui à Iéna, Lucien Fardés, qui est maintenant capitaine au 13 e léger. Figurez-vous que Barguelot a bien été à Iéna et que toute l’histoire de la prise de la batterie Glasenapp est vraie. Mais cet exploit s’est fait sans Barguelot qui avait été blessé dès les premiers coups de feu.
    — Une blessure grave ?
    — Une cheville foulée en chargeant. Barguelot est arrivé en boitillant alors qu’on s’était emparé des pièces et qu’on était déjà en train de les retourner. Barguelot n’arrêtait pas de crier : « Vengeons les nôtres ! » comme s’il venait de frôler dix fois la mort. Fardés prétend même l’avoir vu plonger son épée dans un cadavre ennemi pour donner à sa lame et à sa version des faits une couleur plus crédible.
    — Et Fardés n’a pas dénoncé cette forfaiture ?
    Lefine secoua la tête.
    — Fardés ignorait totalement la version de Barguelot.
    — Barguelot a dû attendre d’avoir quitté le 16 e léger pour remanier son histoire. Comment ose-t-il mentir à ce sujet alors qu’on peut vérifier les raisons de l’attribution de cette décoration dans les publications officielles ? Non, ce serait suicidaire pour sa carrière. La seule explication, c’est qu’officiellement, il a bien été récompensé pour son « action » à Iéna. Il a peut-être soudoyé des officiers pour que de faux rapports sur sa conduite héroïque soient remis à l’Empereur.
    Margont contenait mal sa colère. Pour lui, la Légion d’honneur représentait quelque chose de sacré. De même qu’un athée ne devait pas cracher sur une Bible ou un Coran, on n’arborait pas une Légion d’honneur à laquelle on n’avait pas droit.
    — Il a peut-être mérité sa distinction, mais pas grâce à Iéna..., hasarda Lefine.
    — Mais bien sûr. Il s’est emparé de trois canons autrichiens dans un salon mondain. Que sais-tu d’autre ?
    — Il a des manies bizarres. Il ne mange jamais en public. Il se nourrit à l’abri des regards, toujours sous sa tente, seul ou en compagnie de Coubert, l’un de ses domestiques.
    — Étrange. Tu as parlé à ce Coubert ?
    — Non. J’ai eu peur qu’il prévienne son maître qu’on enquêtait sur lui.
    — Tu as bien fait. Et quelles autres manies ?
    — On m’a raconté qu’il était un brillant escrimeur. Il s’en vante souvent, mais on ne le voit jamais s’entraîner. Un jour, lors d’un repas officiel, le maréchal Davout lui a proposé un petit duel amical, car il avait entendu parler de sa technique par un ancien cadet de Pont-à-Mousson. Eh bien Barguelot a refusé ! Au début, les invités ont cru que c’était par modestie...
    — Absurde ! s’exclama Margont en riant.
    — Mais le maréchal a eu beau le prier poliment, Barguelot n’a jamais accepté de croiser le fer. Le maréchal était si surpris de le voir décliner un tel honneur qu’il en a oublié de se mettre en colère. Et, pour couronner le tout, Barguelot n’a, comme à son habitude, pas touché à son assiette.
    Margont frottait machinalement le bord d’un secrétaire.
    — Incompréhensible.
    — Voilà tout, déclara Lefine avec satisfaction. Et vous, qu’avez-vous appris sur Delarse ?
    — Étienne Delarse a quarante-cinq ans. Il est issu de la noblesse charentaise. Son père s’appelait « Louis de Larse », mais il a été l’un des rares aristocrates à adhérer sincèrement à la cause républicaine. Louis de Larse a fait contracter son nom en « Delarse » et il est mort à la bataille de Fleurus –

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