Les Rapines Du Duc De Guise
Il est le seul à ne m’avoir jamais abandonné et il sera mon légataire.
Tout s’était déroulé comme il l’avait décidé. Pour
Paris, pour la cour et pour les protestants, le tueur des rois était
mort. Paul Amer l’avait transporté dans leur maison familiale de Corbeil, puis
le convalescent avait été transféré dans ce château d’Arcueil appartenant à
Guise. Le château était isolé. Personne, ou presque, ne l’habitait, Maurevert y
avait été soigné dans le calme.
Il avait mis près d’un an à pouvoir marcher à
nouveau, même s’il claudiquait toujours. Depuis trois mois, il avait repris l’entraînement
à l’épée et au pistolet. Ses cheveux d’un blond ardent avaient blanchi et, avec
son épaisse barbe et un faux bras en bois terminé par une main gantée, il
paraissait bien plus que la quarantaine qu’il avait à peine. Seuls son regard
calculateur et les plis cruels de sa bouche n’avaient pas changé.
Henri de Guise était venu le voir une fois, et
Charles de Mayenne deux. Eux seuls connaissaient le secret.
Lors de sa visite, le duc de Guise lui avait
demandé s’il serait prêt à mettre son art de l’assassinat à son service pour
une nouvelle cause. Un crime quasiment impossible.
— Rien ne m’est impossible, avait déclaré
Maurevert, avec emphase. Ne suis-je pas revenu des morts ?
Après l’avoir considéré un instant, Guise
avait opiné. À ce moment-là, Maurevert était alors allongé dans un lit, amaigri,
peut-être incapable de remarcher un jour.
Le Lorrain n’avait rien dit de plus, il ne lui
avait pas révélé que ce crime impossible qu’il envisageait, c’était l’assassinat
du roi de Navarre.
— Comment vous
sentez-vous ?
— Comme un jeune homme, monseigneur, sourit
Maurevert en se levant.
— Je n’ai guère de temps, déclara Mayenne
en prenant un siège. (Il parlait librement devant l’écuyer Paul Amer, le
sachant d’une totale fidélité à son maître.) Avec mon frère, nous pensions vous
demander un service. Il s’agit d’un jeune homme qui pourrait compromettre nos
affaires et dont nous souhaiterions qu’il soit écarté de notre chemin.
— Considérez-le comme mort, monseigneur, répliqua
Maurevert avec emphase.
— Ce ne sera pas une opération facile, il
a pour ami un lieutenant du prévôt, et un garde du corps redoutable ne le
quitte pas. Son logis est une vraie forteresse.
— J’aime ces difficultés, affirma le
tueur des rois.
— Le lieutenant du prévôt qui l’accompagne
est un des nôtres, il ne doit en aucun cas être meurtri, c’est ce qui rend l’opération
difficile. Vous l’acceptez ?
— Je me rouille, ici, monseigneur !
— Laissez-moi donc vous raconter toute l’histoire…
Satisfait, Mayenne fit un résumé de la
situation, sans toutefois s’étendre sur le détournement des tailles. Il promit
à Maurevert trois cents écus pour la mort de Hauteville et lui en remit
cinquante pour ses frais. Il conclut en lui expliquant qu’il aurait plus de
détails en allant voir un bourgeois nommé Jehan Salvancy dont il donna l’adresse
approximative.
Le duc s’était souvenu avoir une fois
rencontré Salvancy à l’hôtel de Guise alors que le receveur des tailles
apportait des quittances pour encaisser quelques centaines de livres chez le
banquier Scipion Sardini. Salvancy lui avait alors avoué qu’il souhaitait
acheter la charge de trésorier de l’Épargne quand le cardinal de Bourbon serait
roi. Mayenne l’avait assuré de son soutien, sans en penser un mot.
Mais puisque ce Salvancy était justement celui
qui craignait d’être découvert par Hauteville, le plus simple était donc que ce
soit lui qui se mette à la disposition de Maurevert. Salvancy n’était pas
membre du conseil des Seize, mais il disposait des cordons de la bourse ce qui
était encore mieux. Il devrait pouvoir satisfaire toutes les demandes du tueur
des rois sans que celui-ci entre en contact avec la sainte union.
15.
Mercredi 27 février 1585
Henri III
aimait à réunir auprès de lui des poètes et des humanistes lettrés. Il appelait
cette assemblée son escolle pour servir de pépinière d’où se retireraient un
jour poètes et musiciens. C’était l’Académie du Palais. L’une des rares
femmes à en faire partie était la duchesse de Retz, dame d’honneur de la reine
et épouse d’Albert de Gondi. La duchesse, qui parlait le grec, le latin et l’italien,
était la femme la plus savante
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