Les Rapines Du Duc De Guise
terminait bien, Henri de Navarre disposerait sous peu d’un
million de livres qui feraient peut-être la différence pour sauver sa religion.
— Cette clef a en effet été volée à mon
père… fit Olivier.
Il n’ajouta rien. Le coupable serait donc
Salvancy ? Non, c’était impossible ! Son père ne le connaissait pas, alors
qu’il connaissait l’autre… Salvancy n’était qu’un complice. En regardant
le beau visage de Cassandre, il crut lire la sincérité dans ses yeux embués de
larmes. Même si elle lui avait menti, tenta-t-il de se convaincre, c’était tout
de même grâce à elle qu’il avait désormais tous les éléments pour terminer le
contrôle des tailles de l’élection.
Elle ne lui avait jamais voulu aucun mal.
Pourtant, en songeant au livre caché sous la
courtepointe, il savait aussi qu’elle lui cachait bien des choses, et qu’il ne
pouvait plus lui faire confiance.
C’était une situation cruelle. Ils se jouaient
tous deux la comédie. Il faisait le nigaud, et il ne l’était pas, elle
contrefaisait l’innocente, quand elle lui mentait.
— J’ai encore besoin de vous, dit-il
doucement. C’est mon cœur qui vous parle.
En disant ces mots, il se demandait pourtant s’il
était sincère.
— Vous vous abusez, Olivier, répondit-elle,
un peu trop froidement.
— Vous n’êtes pas protestante ?
C’était la question la plus importante pour
lui. Elle secoua négativement la tête, mais sans ouvrir la bouche.
— Pourquoi m’avoir dit que vous l’étiez ?
— Pour que vous ne cherchiez pas à m’approcher.
Il se dirigea vers un coffret, posé sur une crédence,
l’ouvrit, et en sortit une médaille.
— C’est une image de la vierge Marie, lui
dit-il. Elle appartenait à ma mère. Je souhaiterais que vous la portiez pour
moi.
Elle refusa, d’un autre mouvement de tête, mais
il lui passa malgré tout la chaîne autour du cou.
— Je vous en prie, restez au moins jusqu’à
vendredi. Nicolas reviendra et vous pourrez vous disculper auprès de lui. C’est
important pour moi.
Elle acquiesça sans mot dire.
Le reste de la semaine se déroula comme si
rien ne s’était passé entre eux. Ils ne parlèrent plus de Sardini. Avec Jacques
Le Bègue, Olivier poursuivit l’examen des paroisses dont s’occupait Salvancy. Il
se rendit à nouveau au tribunal de l’élection et, en étudiant sur quatre années
les rôles des paroisses ayant connu les plus fortes baisses de leurs impôts, il
découvrit que plusieurs bourgeois comptant parmi ceux qui avaient le plus de
biens, et souvent se disant noble homme, avaient été exemptés de taille après
avoir été récemment anoblis. Il s’agissait le plus souvent de noblesse personnelle,
et non héréditaire, obtenue par achat d’un office anoblissant comme celui de
secrétaire du roi, de conseiller à la maison et couronne de France, de
conseiller-secrétaire du roi, ou encore d’audiencier. La plupart de ces charges
ne conféraient la noblesse héréditaire qu’après vingt ans d’exercice, mais
Olivier savait que ce temps pouvait être réduit par la grande chancellerie
moyennant pécunes. La plupart étaient déjà propriétaires d’au moins une terre
noble fieffée, ou d’une seigneurie, condition nécessaire pour acquérir un titre
nobiliaire – le fief sent la noblesse, disait-on –, mais ils avaient payé le
droit de franc-fief [55] avant d’être anoblis. Ces informations étaient la plupart du temps détaillées
dans des feuillets annexés au rôle paroissial qui indiquaient que, soit le
parlement de Paris, soit la chambre des comptes, avait enregistré leurs lettres
patentes.
Ces documents étaient toujours visés par un
élu et par le receveur. Ce dernier était à chaque fois M. Salvancy.
Mais si Olivier savait maintenant pourquoi les
tailles avaient tant baissé, il ne comprenait pas comment Salvancy s’était
enrichi, ni comment une partie de cet argent était allée dans les poches de M. de La
Chapelle et de sa sainte union puisque les tailles n’avaient pas été payées. Se
pouvait-il que ce soit en fermant les yeux sur de faux anoblissements ? À
moins que le marquis d’O et Nicolas Poulain ne se trompent…
Pour en avoir le cœur net, il se rendit le
jeudi à la grande chancellerie du Palais. Grâce à la lettre que lui avait fait
parvenir le marquis d’O, il n’eut aucune difficulté à consulter les dossiers d’anoblissement
soigneusement rangés dans des
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