Les Rapines Du Duc De Guise
chambre, vous
l’avez vu tout à l’heure, nous serons cinq, ce qui devrait suffire… Combien y
a-t-il de domestiques chez Salvancy ?
— Une bonne dizaine, mais beaucoup de
femmes. Lui-même est marié. Nous pourrons rassembler tout le monde dans une
seule pièce, monsieur. Mlle Sardini et M. Caudebec nous ont fait un
plan de la maison. Le problème vient surtout de ses gardes du corps, mais je
sais depuis deux jours comment les neutraliser.
— Expliquez-moi ça…
— J’ai été emprisonné au Grand-Châtelet
durant quelques jours sous une fausse accusation, monsieur. Je n’en ai pas
encore percé les raisons exactes, mais j’ai découvert récemment que mes
accusateurs étaient les deux gardes du corps de M. Salvancy. Or le
commissaire Chambon, qui m’a libéré sur ordre de M. Séguier, recherche ces
hommes pour les interroger. Je vais lui dire où ils se trouvent, et lui
demander qu’il les appréhende et les conduise au Châtelet pour les mettre sous
clef. Ainsi, nous aurons deux personnes de moins.
— Je vois que votre entreprise est bien
avancée, approuva O. Je vous propose que nous l’étudiions maintenant dans le
détail, car elle présente encore quelques point faibles. Ainsi, je ne pense pas
que M. Hauteville puisse imiter une lettre de M. de Mayneville, mais
je sais à qui confier cette tâche. Cependant avant de commencer, vous allez me
raconter cette attaque que vous avez subie, monsieur Hauteville. Ce manchot qui
dirigeait les truands m’intrigue fort. Ensuite, monsieur Poulain, je veux tout
savoir des circonstances de votre arrestation.
Ils travaillèrent ainsi une couple d’heures. Il
fut convenu qu’une fois chez Salvancy, si celui-ci possédait les quittances, ils
les lui feraient signer de force, avec une déclaration de culpabilité. En revanche,
s’il ne les avait pas, il serait nécessaire de l’emmener pour un interrogatoire.
Sans doute faudrait-il alors le bâillonner et le transporter sur un cheval, mais
cela ne pourrait se faire qu’à la nuit tombante pour que personne ne le
reconnaisse.
Restait un sujet dont François d’O s’étonnait
qu’il n’ait pas été abordé. Jehan Salvancy était-il l’assassin du père d’Olivier,
de sa gouvernante et de son domestique ? C’était le plus probable, aussi
proposa-t-il au jeune homme de décider du sort du receveur des tailles, en lui
faisant remarquer qu’à sa place, il lui passerait son épée au travers du corps
sans autre forme de procès.
Olivier lui répondit qu’il souhaitait
interroger Salvancy, et que tout dépendrait de ses réponses ainsi que des
documents trouvés chez lui. Le receveur devrait s’expliquer sur la présence de
la clef de sa maison, mais même s’il était l’assassin, le jeune homme voulait
avant tout punir celui qui avait conçu la fraude, car c’était sans doute lui
qui avait décidé la mort de son père.
Or, celui-là, il croyait le connaître, et ce n’était
pas M. Salvancy, assura-t-il, mais il refusa d’en dire plus. Son visage
était alors tellement sombre et fermé que personne n’osa lui poser de question.
Le soir même, le marquis d’O se rendit chez
Richelieu pour lui dire qu’il avait besoin des services d’un faussaire capable
d’écrire une lettre signée et cachetée par M. de Mayneville. Un tel
faux était passible de pendaison, parfois de la roue, mais Richelieu avait déjà
commis ce genre d’écart, et il pouvait faire bien pire au service du roi. Le
marquis d’O lui raconta à peu près la vérité ; qu’il voulait, par cette
lettre, éloigner de chez lui un receveur des tailles afin de perquisitionner sa
maison. Cet homme participait aux détournements des impôts qu’avait constatés
Bellièvre.
Le Grand prévôt ne posa pas de questions. O
avait la responsabilité de cette affaire et il la conduisait comme il voulait, jugeait-il.
Le marquis lui remit le texte de la lettre que le faussaire devrait écrire, et
lui demanda qu’on la lui porte le lendemain matin, aux aurores. De son côté, Nicolas
Poulain s’était rendu au Grand-Châtelet pour rencontrer le commissaire Chambon.
Ne l’ayant pas trouvé, il était allé chez lui. Pierre Chambon vivait seul avec
un valet et une cuisinière dans un petit logement de la rue de la Croix-Blanche,
à côté de l’hôtellerie du même nom. Il fut surpris de voir arriver Nicolas
Poulain comme il était à table avec ses domestiques. Ceux-ci se rendirent dans
une autre pièce et
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