Les Rapines Du Duc De Guise
financier, ainsi que leur appui quand ils auraient
chassé le roi. C’est ainsi que Salvancy s’était vu promettre, par le duc de
Mayenne, l’office de trésorier de l’Épargne, et son protecteur celui de la
surintendance des Finances.
L’année précédente, le fruit de leurs rapines
avait atteint six cent mille livres et M. Salvancy pensait détourner cette
année huit cent mille livres.
Le duc de Guise avait déjà reçu plus de cent
cinquante mille écus grâce à ces fraudes et le conseil des Six disposait de
cent mille écus sur son compte, chez le banquier Sardini, afin d’acheter des
armes et des complicités.
Progressivement, le dispositif s’était
amélioré avec d’autres officiers et magistrats qui les avaient rejoints. Si
certains le faisaient par intérêt, pour la plupart seul le zèle religieux les
motivait, car, avant de les recruter, Salvancy leur expliquait que les tailles
détournées iraient à une sainte union catholique et au duc de Guise.
Mais la fraude était devenue tellement
importante que le surintendant des Finances, M. de Bellièvre, avait
finalement ouvert une enquête. Le protecteur de Salvancy avait provisoirement
réussi à détourner les soupçons vers quelques trésoriers connus pour leur
malhonnêteté dont il avait porté de fausses écritures dans les comptes de l’élection.
Ceux-là avaient été jugés et pendus au printemps, sans comprendre qu’on leur
reprochait la chute vertigineuse du rendement des tailles.
Un peu plus tard, c’est M. Benoît Milon, le
premier intendant de M. de Bellièvre, qui avait été prévenu par M. de La
Chapelle d’une prochaine accusation. Bien qu’innocent, il s’était enfui, ce qui
avait un temps laissé croire à sa culpabilité, car il avait quelques
infractions à se reprocher.
Cependant, ces manœuvres ne pourraient pas
être renouvelées et éloigner les soupçons allait être de plus en plus difficile,
ce qui ne manquait pas d’inquiéter M. Salvancy. Après la fuite de Benoît
Milon, M. de Bellièvre avait demandé au maître des comptes Antoine
Séguier de diligenter un examen complet des registres de l’élection de Paris. C’est
un contrôleur des tailles nommé Hauteville qui en avait été chargé. Celui-ci
avait une grande expérience dans la vérification et il avait rapidement
découvert plusieurs anomalies qu’il avait détaillées dans un mémoire.
Il n’y avait eu alors qu’une seule solution, qui
attristait encore Salvancy, car M. Hauteville était un ami et un bon
catholique. Avec le commissaire Louchart, le père Boucher, et son protecteur, ils
avaient minutieusement préparé son assassinat. Accompagné de deux hommes de
main – ses gardes du corps, nommés Valier et Faizelier –, son protecteur s’était
présenté chez M. Hauteville. Celui-ci, qui le connaissait, lui avait
ouvert sa porte sans méfiance et Valier l’avait aussitôt poignardé. Mais, par
malchance, Hauteville avait eu le temps de crier et il avait fallu tuer tous
les occupants de la maison.
Salvancy avait encore la nausée en se
remémorant le récit du massacre que lui avaient fait – en plaisantant ! – ses
gardes du corps. Heureusement que le reste du plan s’était bien déroulé et que
Louchart avait accusé et arrêté le fils. Avec un coupable, l’affaire s’arrêterait,
avait assuré le commissaire. Cela rassurait le receveur des tailles, car sinon
il y aurait eu enquête et les voisins avaient peut-être reconnu son protecteur.
Évidemment, il était peiné pour ce pauvre Olivier qui allait subir le châtiment
des parricides. Mais la foi impliquait des sacrifices. Olivier, comme son père,
était un soldat de Dieu qui était tombé pour éviter l’esclavage calviniste.
Il fallait maintenant tenir encore quelques
mois, songeait Salvancy, avec un peu d’appréhension. Ces rapines étaient
devenues tellement importantes qu’il était désormais impossible au duc de Guise
de s’en passer puisque cet argent finançait son armée. Heureusement, le
cardinal de Bourbon serait bientôt roi, songeait le receveur pour se donner du
courage.
En arrivant rue des Arcis où habitait Isoard
Cappel, son regard fut attiré par la potence qu’on y avait dressée. Le corps, qu’il
avait déjà aperçu le matin quand il arrivait de la rue
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie où il habitait, était toujours suspendu. Un
corbeau affamé, posé sur la tête du supplicié, lui becquetait les yeux avec
appétit.
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